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sans aucune forme de procès, ils subiraient la mort. Sur la proposition de lord Brougham, cette disposition fut censurée dans la chambre des lords comme illégale. À peine le noble gouverneur eut-il connaissance de ce vote, que, blessé dans ses susceptibilités, sans attendre un successeur, il quitta sur-le-champ le Canada, après avoir proclamé que tous les exilés pouvaient de plein droit rentrer dans leurs foyers, ce que ses successeurs plus prudens n’ont pas permis. Cette conduite singulière n’eut pas les conséquences funestes que l’on pouvait craindre. Lord Durham fut remplacé par un membre du cabinet, M. Poulett-Thompson.

Cependant les études préparatoires que le gouverneur-général avait été chargé de faire pour opérer l’union des deux provinces furent terminées à l’ouverture de la session de 1840. Le gouvernement anglais en soumit le projet au parlement. Voici quelles étaient les principales dispositions de cette mesure, qui fut adoptée sans rencontrer d’opposition sérieuse. Les deux provinces étaient déclarées unies ; elles conservaient la forme de constitution qui les avait régies séparément jusqu’alors. Les membres du nouveau conseil législatif étaient nommés à vie par la couronne. La chambre d’assemblée était composée de quatre-vingts membres, répartis en nombre égal entre les deux provinces. La durée de la législature demeurait fixée à quatre ans. L’assemblée ne pourrait voter sur des questions de finance que lorsqu’elles lui auraient été soumises par un message du gouvernement ; elle accorderait une liste civile de 1 million 125,000 francs et ferait au gouvernement civil une allocation annuelle de 750,000 francs. Le Bas-Canada jouirait d’une administration municipale comme celle qui existait déjà dans les townships du Haut-Canada. La dette contractée par cette dernière province devenait la dette de la colonie. Rien n’était changé dans les conditions de la capacité électorale ; mais la condition d’éligibilité était fixée à la possession d’une propriété de la valeur de 12,000 fr.

Ce bill, qui fut adopté à une immense majorité, marquait la fin de l’existence politique de la nationalité française dans le Canada. Les dernières garanties sur lesquelles elle s’appuyait sont maintenant à la merci d’une assemblée dont la majorité appartient aux Anglais, et l’on peut prévoir le jour où, depuis long-temps régies par les mêmes institutions et confondues enfin dans les mêmes intérêts, les deux races ne se distingueront plus que par de légères différences. La politique anglaise peut laisser au temps le soin d’opérer cette transformation, qui se fera d’autant plus sûrement qu’on la laissera s’accom-