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HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ.

ce contraste du caractère des deux races, particulièrement cette attitude négligente et hautaine des Franks, même quand ils s’affublaient des oripeaux de Rome. Si Clovis se laissa faire consul, ce fut le jeu et la cérémonie d’une matinée.

Clovis a été découronné dans ces derniers temps de l’espèce d’auréole et, pour tout dire, de perruque à la Louis XIV, dont avaient cru le décorer les derniers historiens ou compilateurs de nos annales. On l’a, et avec autant de talent que de raison, restitué barbare, et très barbare malgré son génie. Par une sorte de jeu de bascule qui peut impatienter les historiens, mais qui fera sourire les moralistes, voici pourtant qu’un mouvement contraire le vient reprendre et comme replacer sous l’auréole. M. de Saint-Priest croit qu’on l’a fait trop barbare, trop sauvage, voire même Osage, un pur chef de clan, qu’on l’a trop destitué des traditions monarchiques qu’il puisait, lui aussi, de haute source dans la mythologie d’une race sacrée. Les Mérovingiens chez les Franks, comme les Amales chez les Goths, comme les autres races royales des barbares, étaient des Ases, c’est-à-dire des fils des dieux. Il y avait là un premier droit divin qui n’est pas sans doute tout-à-fait celui qu’on professait sous Louis XIV, qui n’a pas été transmis à la monarchie de saint Louis sans interruption, que la féodalité a coupé à plus d’un endroit, et qui a dû se retremper, dans l’intervalle, à l’onction romaine ; mais enfin c’était un droit divin très profond, très vénéré, qui impliquait l’hérédité, sinon par l’ordre de primogéniture, du moins par égal partage entre tous les fils ; qui constituait la qualité de prince du sang comme quelque chose de très à part et d’inamissible ; qui excluait toute aristocratie dominante et proportionnait le rang des chefs au degré dans lequel ils approchaient le roi. Les assemblées des Franks avant la conquête n’avaient aucun caractère aristocratique, et ce ne fut que par une usurpation réelle qu’elles en vinrent depuis à plus d’importance. Posée en ces termes, la question, au premier abord, n’a rien que de plausible et redevient au moins douteuse ; c’est affaire de textes. M. de Saint-Priest les aborde et en serre de près quelques-uns. Il conteste que le roi mérovingien fût soumis à la loi de composition, qui gouvernait autour de lui, et qu’il ait jamais été cité devant le mâl ou assemblée nationale ; il revient[1] sur un article de la loi salique duquel on se serait à tort prévalu. Sans entrer dans le fond du débat, et en laissant aux maîtres le soin, s’il y a lieu, de relever le gant, il faut reconnaître que toute

  1. Prolégomènes, p. LXXIII, t. I.