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cemment un rapport de la commission des finances nous a révélé qu’un système de fortification en cours d’exécution doit coûter 75,000,000 de francs. »

Quelle que soit en apparence la valeur de ces faits et de ces argumens pour prouver l’inutilité des colonies en général et en particulier du Canada, il est à remarquer que ces opinions appartiennent exclusivement à des économistes ou à d’honnêtes libéraux, et qu’elles n’ont jamais persuadé un seul des hommes d’état qui se sont succédé au gouvernement de la Grande-Bretagne. Un de ces hommes d’état, qui, par ses vues éclairées sur la liberté du commerce, eût pu y être plus accessible que tout autre, M. Huskisson, les avait fortement combattues en 1828. « Il est facile, disait-il, mais c’est la preuve d’un petit esprit, de conseiller à l’Angleterre d’abandonner tout contrôle sur le Canada. Je ne dirai rien des avantages maritimes, commerciaux et politiques que nous procurent les liens qui nous unissent à nos colonies ; mais on me permettra de parler du caractère politique de ce pays, de l’impression morale que produirait sur le monde l’abandon proposé ; on me permettra de dire que l’Angleterre ne peut s’amoindrir volontairement : il faut qu’elle soit ce qu’elle est ou rien. Le Canada ne peut pas être estimé en livres, sous et deniers ; mais ce sont les plus brillans trophées de la valeur anglaise, c’est le caractère de la foi anglaise, c’est l’honneur du nom anglais que nous répudierions, si, d’après les considérations que j’ai entendu développer, nous abandonnions le Canada. L’Angleterre, répondait-il encore avec une patriotique éloquence aux détracteurs des colonies, l’Angleterre est la mère d’un grand nombre de colonies florissantes : l’une d’elles est devenue un puissant empire parmi les plus puissans empires du monde. Sur tous les points du globe, nous avons jeté des germes de liberté, de civilisation et de christianisme ; nous avons porté sur tous les points du globe la langue ; les libres institutions, les lois de la Grande-Bretagne. Partout elles fructifient et sont en progrès. Et si quelque calculateur égoïste s’avise de dire que tout cela nous a coûté des sacrifices que nous n’aurions jamais dû nous imposer, voici ma réponse : — En dépit de ces sacrifices, nous sommes toujours le premier et le plus prospère des peuples de l’ancien monde, et puisque tel est notre lot, réjouissons-nous plutôt de la riche moisson de gloire qui doit appartenir à une nation qui a jeté les fondemens d’une semblable prospérité dans le sein d’autres peuples étroitement liés à nous par le sang, par les mœurs, par les sentimens qu’ils nous portent. »