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LE CANADA.

Il y a, en effet, en Angleterre, des économistes très considérés, appartenant à ce parti mixte qu’on appelle whig-radical, qui, au point de vue des règles abstraites de l’économie politique, condamnent les colonies, de même que sous la restauration nous avons vu M. Say et ses amis conseiller à la France d’abandonner les derniers débris de ses établissemens coloniaux. Les argumens les plus spécieux de cette école ont été présentés avec talent par M. Mac-Culloch. « Quelque étendues, quelque importantes que soient les possessions coloniales de l’Angleterre, elles ne procurent, dit-il, aucun avantage direct à la mère-patrie. Elles ne contribuent en rien aux revenus de la Grande-Bretagne, je ne parle pas de Malte et de Gibraltar, qui ont une grande importance politique et militaire, ni de l’Inde, soumise à des taxes très pesantes, qui entretient l’armée destinée à la défendre ou à étendre son territoire, et qui enrichit tous les fonctionnaires que lui envoie la métropole. Les seuls avantages que procurent à la Grande-Bretagne ses colonies sont : les relations commerciales, un débouché à l’émigration, et la facilité qu’elles offrent aux aventuriers anglais de faire une rapide fortune dont ils viennent jouir dans leur pays. Mais on se fait illusion sur les bénéfices que l’on attribue au commerce de la métropole avec les colonies. Celles-ci n’en tirent que les marchandises que l’Angleterre offre à plus bas prix que les autres nations productrices, et il n’est pas douteux que, si elles devenaient indépendantes, elles continueraient à les demander à l’Angleterre, tant qu’elles seraient à leur convenance. Ce n’est pas parce que le Canada est une colonie anglaise qu’il s’approvisionne sur les marchés anglais, c’est parce qu’il y trouve de meilleures conditions, tandis que le commerce et la marine de l’Angleterre s’imposent des sacrifices énormes en faveur du Canada, en frappant d’un droit[1] qui équivaut presque à une prohibition les bois de construction de la Baltique. » À une autre époque, les mêmes raisonnemens avaient été présentés avec une plus grande autorité par sir Henri Parnell. « Quant au Canada, disait-il, il est impossible de démontrer que, s’il devenait un état indépendant, nous perdrions un seul des avantages commerciaux qu’il nous offre aujourd’hui. Nos manufactures, pas plus que notre commerce ou notre marine, n’en souffriraient. Songez au contraire à tout ce que le Canada a coûté jusqu’ici à l’Angleterre. Nous y avons dépensé 1,500,000,000 de fr. Il impose chaque année au trésor une charge de 15,000,000, et ré-

  1. Ce droit vient d’être considérablement réduit par sir R. Peel.