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ment défendue dans la chambre des communes par M. Roebuck, et par lord Brougham dans celle des lords. Les protestations isolées du parti radical furent impuissantes et n’empêchèrent pas que les résolutions du ministère ne fussent votées à une immense majorité. On imagine aisément l’impression que fit dans le Bas-Canada la nouvelle de ce vote, qui anéantissait par le droit du plus fort les garanties constitutionnelles. Les chefs du parti français ne se dissimulèrent pas que c’en était fait de la cause pour laquelle ils avaient combattu ; toute résistance leur parut impossible et insensée. Mais le gouverneur, qui craignait une insurrection, crut la prévenir en s’assurant de ses chefs présumés, et lança des mandats d’amener contre les principaux orateurs de la chambre d’assemblée, accusés d’avoir tenu des discours séditieux trois mois auparavant. Ceux-ci, prévoyant le sort que leur réservait un jury choisi parmi les membres les plus violens du parti anglais, prirent la fuite. Cependant deux habitans de Montréal, MM. Demaray et d’Avignon, furent arrêtés et promenés dans le district chargés de chaînes. Les paysans les délivrèrent : ce fut l’origine des deux sanglantes affaires de Saint-Denis et de Saint-Charles, dont on exagéra l’importance jusqu’aux proportions d’une insurrection. Un soulèvement plus étendu et habilement combiné avait été préparé dans le Haut-Canada par un parti nombreux composé principalement de colons d’origine américaine ; mais il échoua par un malentendu qui fit que des mouvemens éclatèrent avant le jour fixé pour l’insurrection générale : ceux qui y prirent part furent contraints de chercher un refuge sur le territoire de l’Union.

Le ministère anglais saisit le prétexte de ces mouvemens pour suspendre la constitution de 1791 dans le Bas-Canada ; à l’ouverture du parlement en 1838, lord John Russell présenta un bill pour le gouvernement temporaire de la colonie. Ce bill en conférait l’administration à un gouverneur-général qu’elle investissait du pouvoir de choisir parmi les habitans les plus notables un conseil de vingt personnes, avec lesquelles il devait se concerter pour arrêter les principales dispositions d’une constitution nouvelle. Le parti radical s’opposa seul au fond même de la mesure présentée par lord John Russell. Au nom de son respect pour les manifestations populaires, ce parti demandait, par l’organe de M. Warburton, un de ses membres les plus distingués, l’indépendance du Canada ; pour justifier les principes absolus de son libéralisme, M. Warburton essaya de prouver qu’ils coïncidaient avec les intérêts les plus positifs de la Grande-Bretagne.