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qui, par leur habileté, leurs capitaux, leurs soins, ont réussi à écarter ou à neutraliser les dangers auxquels l’émigration était auparavant exposée dans cette province, qui, sur une vaste échelle, ont employé leurs capitaux à augmenter les forces du pays et à faciliter les moyens de transit entre ses diverses parties : dire qu’une société semblable est un fléau pour un pays est le comble du ridicule ; en supposant, comme on nous en menace, que le Bas-Canada se réunît aux États-Unis, quel emploi croit-on que ceux-ci feraient de ces terres incultes[1] ? »

Les torts du conseil législatif à l’égard de la chambre d’assemblée étaient hautement reconnus ; plusieurs des membres les plus considérables du parti conservateur les avaient autrefois proclamés eux-mêmes avec énergie. Voici, par exemple, ce qu’en 1828 lord Stanley en avait dit avec sa véhémence accoutumée : « On pourra juger, d’après les papiers déposés sur le bureau, combien le conseil législatif s’est mal acquitté de ses devoirs : dans toutes les occasions, ses membres se sont enrôlés dans le parti du gouvernement contre le peuple, ils se sont posés comme un obstacle entre le gouvernement et le peuple, et ils n’ont su contenir ni le peuple, ni le gouvernement ; mais, tandis qu’ils mettaient ce dernier en état de faire la guerre à l’autre, ils étaient une occasion constante de discorde et d’anarchie entre le gouvernement et le peuple. Ce conseil a été la source de tous les maux qui ont surgi dans l’administration de cette province durant les quinze dernières années. » En 1830, lord Sandon en portait un jugement aussi sévère : « La conduite imprudente suivie pendant dix années par l’administration précédente m’effraie ; elle a eu pour résultat d’introduire dans le conseil une petite faction de fonctionnaires qui n’ont que trop souvent réussi à se poser comme les véri-

  1. Ce que la chambre d’assemblée blâmait dans l’établissement de la compagnie en faveur de laquelle M. Gladstone présentait ces argumens spécieux, c’était la création d’un monopole qui ne devait favoriser qu’une société de spéculateurs ; c’était la concession d’une aussi vaste étendue de pays faite à vil prix et par conséquent aux dépens du domaine public et des ressources de la colonie ; c’était encore la confusion où l’on allait jeter la jurisprudence du pays, en soumettant cette concession à des lois différentes de celles qui prévalaient dans le Bas-Canada. La chambre d’assemblée craignait que cette différence de législation ne dégoûtât la population des anciens établissemens formés sur les terres que l’on venait de concéder, de s’y étendre davantage. L’évènement a justifié du reste ses appréhensions. La British American land Company n’a servi que de prétexte à l’agiotage ; ses agens se sont enrichis aux dépens des actionnaires. Un très petit nombre d’émigrans a eu confiance en ses promesses, et elle a été forcée de remettre récemment au gouvernement les concessions qui lui avaient été faites.