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conseil législatif. Lord Gosford en avait reçu de semblables, qu’il n’avait pas rendues publiques, dans la crainte de voir les chefs du parti français abandonner leurs intentions conciliatrices. Ceux-ci, en effet, indignés de la surprise qui leur avait été préparée et dont un jour plus tard ils auraient été dupes, persistèrent avec une nouvelle énergie dans le refus du budget et des arrérages. Dès-lors tout espoir de conciliation fut perdu, et le ministère, n’ayant plus d’autre ressource que de lever d’autorité les subsides refusés, porta le débat devant le parlement, afin d’obtenir la sanction de la législature britannique à une mesure qui violait l’acte constitutionnel de 1791.

Ce fut lord John Russell qui prit la parole dans la chambre des communes au nom du gouvernement. Par la modération avec laquelle il apprécia la conduite de l’assemblée canadienne, il sembla reconnaître la justice de la cause qu’il venait combattre. « Il n’est nullement dans mon intention, disait-il, de jeter le plus léger blâme sur la marche suivie par la chambre d’assemblée. Cette marche ressemble tellement à celle que d’autres assemblées populaires ont suivie dans des circonstances analogues, qu’au lieu de la considérer comme une conduite arbitraire on présomptueuse, j’y vois plutôt la conséquence naturelle d’une loi générale, à laquelle sont soumis tous les démêlés entre les assemblées populaires et le pouvoir exécutif. Seulement, de l’expérience générale de ces conflits, je crois que l’on peut tirer cette leçon, que les assemblées populaires ont rarement tort au début et rarement raison à la fin. »

Lord John Russell examinait ensuite les réclamations de la chambre d’assemblée. Il repoussait formellement celle qui tendait à assimiler le rôle du conseil exécutif à celui que joue le ministère dans les monarchies limitées. « Cette partie de la constitution, disait-il, qui veut que les ministres de la couronne soient responsables devant le parlement, ne peut être réalisée qu’en un seul lieu, le siége même de l’empire. Autrement le gouvernement serait inhabile à exécuter dans chaque partie de l’empire les mesures qu’il aurait conçues, et chaque colonie formerait un état indépendant, avec cette singulière anomalie que les chefs du gouvernement exécutif nommés par le roi, et les troupes du roi, n’y seraient plus employés qu’à exécuter les ordres de la chambre d’assemblée. »

Il se prononça aussi nettement contre la proposition d’un conseil législatif électif. Accorder aux Canadiens un conseil recruté par l’élection, c’était, suivant lui, donner la majorité dans les deux chambres à la race française, et livrer à sa merci le sort des cent