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LE CANADA.

composition doit toujours être conforme à l’opinion de la majorité des chambres ; le rappel d’un acte du parlement anglais pour la réforme des tenures féodales, et de l’acte qui constituait la British American land Company ; enfin la réforme du conseil législatif en lui donnant l’élection pour base. La question était nettement posée. C’était une question constitutionnelle : il s’agissait de savoir si une chambre représentative pourrait exercer pleinement les prérogatives que la constitution lui avait assurées. C’était aussi une question spéciale de droit politique : il s’agissait de savoir si une colonie pouvait décider librement sur ses propres intérêts, même en opposition à la volonté et aux intérêts de la métropole. Par une étrange rencontre, un ministère whig, héritier apparent des principes constamment professés par ce parti en faveur de la souveraineté de la branche populaire du parlement et de l’indépendance des colonies dans leur administration intérieure, était appelé à prononcer au nom de l’Angleterre sur ces questions délicates.

Le ministère de lord Melbourne hésita d’abord, et, pour gagner du temps, envoya dans le Bas-Canada, en 1835, une commission, composée, comme nous l’avons dit, de lord Gosford, de sir G. Gipps et de sir C. Grey, chargée d’examiner la situation de la colonie, et d’indiquer au gouvernement une solution qui mit d’accord les intérêts de l’Angleterre avec la justice. Le rapport de ces commissaires, comme on a pu en juger par l’extrait que j’ai donné plus haut, reconnut la justice de la plupart des griefs allégués par la chambre d’assemblée avec une franchise qui lui aliéna le parti anglais du Bas-Canada. Cependant, par une inconséquence qu’explique l’intérêt de l’Angleterre, qui ne se trouvait pas, cette fois, du côté de la justice, les commissaires n’osèrent conseiller d’appliquer aux maux dont ils reconnaissaient l’existence le remède efficace proposé par la chambre d’assemblée. Celle-ci néanmoins, gagnée par le ton conciliant du rapport et espérant que le gouvernement anglais lui donnerait satisfaction, allait voter les arrérages des budgets qu’elle avait refusés pendant trois années consécutives, lorsque, la veille du jour fixé, le 9 mars, arrivèrent à Québec des dépêches du ministre des colonies qu’avait publiées sir Francis Head, gouverneur du Haut-Canada, un de ces agens téméraires avec préméditation, que l’on rencontre toujours au service de la politique anglaise, où ils semblent avoir pour rôle de faire éclater les questions qui ont besoin d’une solution violente. Ces dépêches annonçaient, de la part du ministère anglais, la résolution de n’accorder aucun changement dans la constitution du