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Je reviens. L’idée de royauté cheminait donc et grandissait à travers le déclin de l’empire ; le christianisme la favorisait indirectement. À Rome pourtant, qui était devenue veuve des Césars, la papauté insensiblement héritait de la souveraineté de la ville éternelle, et attendait avec patience, recueillant, redoublant ses forces et ses mystères, jusqu’à ce que vînt le jour d’apposer le sceau et l’onction à une royauté nouvelle.

Le chapitre du livre III, dans lequel l’auteur expose la transformation de l’ancien patriciat en haut clergé romain, a semblé à de bons juges un des plus heureux et des plus satisfaisans de l’ouvrage. Nulle part, je le crois, on n’avait expliqué d’une manière aussi vivante et aussi suivie, dans un relief aussi palpable, le fait du passage même, le secret d’une métamorphose qui, plus sensible dans ce grand cadre, n’y fut point pourtant circonscrite et dut se répéter en diminutif sur plus d’un point de l’empire.

Des prêtres fortunés foulent d’un pied tranquille
Les tombeaux des Catons et la cendre d’Émile,

a dit Voltaire. Mais si le prêtre a foulé tout d’abord ces grands parvis d’un pied tranquille, et, il faut ajouter, d’un pas majestueux, si encore aujourd’hui, à voir sa démarche haute dans Ara coeli, il a l’air du maître héréditaire et du patricien de céans (gentemque togatam), c’est qu’il a été en effet, à l’origine, le légitime descendant, le petit-neveu, en tant qu’il en restait, de ces Catons et de ces Émile. Ce fond continu de la vieille Rome au sein de la nouvelle s’est empreint jusque dans les formes et dans l’attitude : la pensée du Vatican en a gardé aussi des allures. M. de Saint-Priest, dans les divers chapitres qu’il a consacrés à cette Rome papale, l’a comprise en esprit politique des plus déliés et avec une affinité, si j’ose dire, plus qu’historique.

Cependant l’idée de royauté, dont nous suivons l’histoire, faisait le grand tour ; elle arrivait de l’Asie par le Nord ; elle suivait assez obscurément, durant des siècles, la grande voie des migrations germaniques, et venait planter son drapeau dans les Gaules avec les Franks, avec Clovis.

Elle semblait pénétrer encore plus avant, plus au cœur de l’empire, avec les Goths et Théodoric ; mais les Goths, comme leur illustre chef, admirateurs imitateurs du génie romain et de cette grandeur déchue, s’y fondirent et y absorbèrent leur originalité ; le Sicambre résista mieux. L’auteur nous a peint en traits énergiques et éloquens