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banques autorisées qui étaient en circulation. La plus grande partie de ces billets était en coupures de moins de 5 dollars (à peu près 25 francs).

C’est l’émigration anglaise qui alimente les progrès de la colonisation dans le Haut-Canada ; mais l’émigration véritablement colonisatrice n’est pas, comme on le croit généralement en France, celle des indigens. La question de l’émigration comme remède au paupérisme a néanmoins beaucoup occupé les hommes d’état et les économistes de la Grande-Bretagne. De tous les systèmes qui ont été proposés depuis vingt-cinq ans pour le salut de l’Irlande, aucun n’a eu plus de retentissement en Angleterre qu’une émigration sur une grande échelle. Il semble en effet que, s’il était possible de diminuer le nombre des travailleurs en Irlande, on y arrêterait les progrès effrayans du paupérisme. Cette théorie, qui repose sur un fait simple en apparence, a reçu à diverses reprises la sanction du parlement. Aussi l’émigration a-t-elle été encouragée par le gouvernement, les paroisses ont même été autorisées à s’imposer pour favoriser l’émigration des pauvres ; mais ces tentatives partielles n’ont produit, à l’égard du paupérisme, aucun soulagement sensible. Chaque année, des milliers d’Irlandais abandonnent la terre natale, et cependant les enquêtes officielles constatent qu’il n’en résulte aucun avantage pour la population qui demeure ; les salaires ne s’élèvent pas, les vides laissés sont aussitôt remplis, et les partisans les plus sincères de l’émigration ont été conduits à admettre que, pour que la condition des classes ouvrières fût améliorée, il faudrait, dans certains comtés, faire émigrer les neuf dixièmes de la population.

Malheureusement une pareille émigration, la seule capable d’amener de grands résultats, est si impraticable, qu’elle doit être regardée comme une pure utopie ; sans parler des moyens de transport auxquels la marine anglaise tout entière ne suffirait pas, ni des autres difficultés de cette entreprise, la dépense seule que la réalisation exigerait est un obstacle insurmontable. Il n’est jamais entré dans l’esprit d’aucune personne raisonnable en Angleterre que l’émigration dût se borner au transport des indigens, et que l’on pût les jeter nus et sans ressources sur une plage déserte. On a toujours, au contraire, considéré comme la condition nécessaire d’un système d’émigration pratiqué par le gouvernement de pourvoir à toutes les dépenses qui précèdent l’arrivée de l’émigrant au port d’embarcation, de payer son passage, de le nourrir durant la traversée, et de faire pour lui, dans le pays où il est transporté, tous les frais de premier établissement. Or,