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LE CANADA.

pas, et l’inextricable dédale de la procédure anglaise les épouvantait.

Heureusement pour les Canadiens, des circonstances particulières obligèrent le gouvernement anglais à tenter de se concilier à tout prix leur attachement et leur fidélité. La lutte entre la Grande-Bretagne et les colonies de l’Amérique du Nord venait d’éclater. Dans la crainte que les Canadiens ne se joignissent à leurs voisins révoltés, le ministère anglais écouta leurs plaintes. En 1774, lord North présenta au parlement un bill pour le gouvernement de la province de Québec. Le préambule de ce bill annonçait que ses dispositions étaient conçues conformément aux désirs et aux sentimens exprimés par les Canadiens ; on y reconnaissait que les lois françaises sous lesquelles ils avaient vécu si long-temps étaient les plus convenables à leur situation. Ce bill précisait les limites de la colonie, révoquait les déclarations contenues dans la proclamation de 1763, et rétablissait les lois et coutumes françaises concernant la propriété, et la jurisprudence connue sous le nom de coutume de Paris. La loi criminelle anglaise, plus libérale que celle de France, et le jugement par jury en matières criminelles, étaient conservés ; la religion catholique était reconnue comme religion du Canada. Quant au gouvernement, sur l’exercice duquel les Canadiens, à peine sortis du despotisme de l’administration française, étaient assez indifférens, il fut confié à un fonctionnaire spécial nommé par la couronne, assisté d’un conseil, qui ne pouvait faire que des ordonnances et n’avait pas le pouvoir de lever des impôts. Dans la même année, le parlement, qui soutenait ailleurs par les armes le droit qu’il s’était arrogé de taxer les colonies, établit par un autre bill de nouveaux impôts en remplacement de ceux que le Canada avait payés sous le gouvernement français, et qui, devant la résistance des négocians anglais, avaient cessé d’être perçus.

Le premier de ces bills rencontra dans la chambre des communes une vive opposition. Lord North n’avait pas de peine à justifier cet acte dicté par une politique habile, qui se couvrait des apparences de la générosité et de la justice ; mais les whigs, ses adversaires, l’attaquèrent avec force du point de vue de l’orgueil national. C’était à leurs yeux un scandale que, dans une colonie anglaise, un ministre anglais travaillât à développer une autre nationalité, d’autres lois, une autre religion que celles de la Grande-Bretagne. L’intérêt du présent ne les aveuglait pas sur les dangers que cette politique gardait à l’avenir. « Je sais, disait Thomas Townshend, un des