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qui, après s’être maintenue pendant près de quarante années dans les voies constitutionnelles, s’est terminée enfin par une solution violente à l’avantage de l’Angleterre. Cette lutte est un des épisodes les plus remarquables de la politique anglaise ; il est indispensable d’en rappeler les principaux caractères pour faire connaître le Canada, et donner une idée de l’état et de l’avenir de la puissance britannique dans l’Amérique du Nord.

Lorsque le Canada fut cédé à l’Angleterre en 1763, la colonisation y était encore fort peu avancée. L’occupation française avait duré un siècle et demi, et la population ne s’élevait guère qu’à soixante mille ames. Durant la même période, les colonies voisines avaient pris un si grand développement, qu’elles comptaient à cette époque trois millions d’habitans. C’est un préjugé presque invincible aujourd’hui que le génie français est absolument impropre aux entreprises de colonisation. Parmi les nombreux échecs sur lesquels cette opinion est fondée, l’insuccès de notre établissement canadien n’est pas un des faits allégués les moins considérables ; mais l’histoire de cette colonie prouve que ce n’est pas à un vice inhérent à notre caractère national qu’il faut attribuer ce triste avortement : l’impéritie et la négligence du gouvernement français de cette époque doivent seules en être accusées. De même que l’industrie et le commerce, les colonies ne peuvent prospérer qu’à la faveur d’un régime de liberté : le Canada fut livré, au contraire, à un système de monopole qui en paralysa toutes les ressources. Sous l’administration de l’Angleterre, le nombre des Canadiens français a plus que décuplé.

Aussitôt que la Grande-Bretagne fut entrée en possession du Canada, une proclamation de la couronne jeta les premières bases de l’administration de cette nouvelle colonie, sous le nom de gouvernement de Québec. Le roi y annonçait qu’aussitôt que les circonstances le permettraient, il donnerait à ses nouveaux sujets des institutions représentatives semblables à celles des autres colonies anglaises de l’Amérique du Nord. Jusque-là la couronne se réservait la faculté d’ériger et de constituer des cours de justice pour le jugement de toutes les causes civiles et criminelles, conformément à la loi et à l’équité, et, autant que possible, aux lois anglaises, avec liberté, pour les personnes qui croiraient avoir à se plaindre de la justice ainsi administrée, de recourir au conseil privé de la Grande-Bretagne.

Cette proclamation montrait que l’Angleterre n’avait pas encore de système arrêté pour l’administration du Canada. Sans doute le