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LE CANADA.

du Saint-Laurent. La partie qui s’étend au sud de cette ligne est celle que s’est appropriée la race anglaise émancipée ; celle qui descend vers le pôle par une faible pente est demeurée le domaine de l’Angleterre ; c’est là que le gouvernement britannique a repris, à côté de la république dont il était près de reconnaître l’indépendance, le travail de colonisation auquel deux siècles avaient suffi pour donner naissance à un puissant empire.

Depuis les frontières septentrionales des États-Unis jusqu’aux glaces polaires, l’Amérique anglaise ne présente pas, il est vrai, sur toute sa surface les magnifiques ressources du territoire de l’Union ; mais, depuis les rivages de l’Atlantique jusqu’à ceux de l’Océan pacifique, la partie de cette région que la nature n’a pas rendue rebelle au travail de l’homme ouvre encore un champ immense à l’exploitation. La rigueur du climat durant la saison d’hiver y est compensée par la fertilité du sol ; le terrain y est peu accidenté ; des fleuves le parcourent en tout sens ; des lacs nombreux, dont quelques-uns sont les plus considérables du globe, y offrent d’admirables moyens de communication naturelle, qui semblent appeler la civilisation. La partie de cette grande contrée, le Canada, dont la colonisation s’est emparée, est celle qui borde le Saint-Laurent et s’avance jusqu’aux bords des lacs les plus rapprochés de l’Atlantique. Cette colonie est couverte aujourd’hui d’établissemens sur une longueur de plus de quatre cents lieues, et sur une largeur qui en atteint quelquefois soixante. Sa population, que l’on a vue doubler en une période de quinze années, est en ce moment de plus de douze cent mille ames, et l’on ne saurait considérer l’immensité des solitudes qu’il reste encore à défricher jusqu’aux rives de l’Océan pacifique sans être frappé de l’importance que l’avenir réserve à ces possessions anglaises !

Cependant, s’il y a bientôt un siècle que la guerre a fait tomber le Canada au pouvoir de l’Angleterre, on peut dire que ce n’est que depuis deux ans qu’elle en a véritablement achevé la conquête. Jusqu’alors elle n’a pu s’y développer librement. Lorsqu’elle s’en empara, des nécessités temporaires l’obligèrent d’abord à ménager la population française qui l’habitait. À la faveur des garanties que la politique anglaise fut forcée de lui accorder, cette population s’accrut en conservant sa nationalité. Mais le gouvernement britannique voulut bientôt neutraliser et annuler ces garanties, qui protégeaient des intérêts nécessairement hostiles aux intérêts anglais, par cela seul qu’ils ne leur étaient pas identiques. Alors s’engagea entre les droits acquis des Français et l’intérêt de la Grande-Bretagne une lutte