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des rôles fut épuisé, quand tous les numéros historiques furent sortis, il y eut clôture. Puis de nos jours, sous une autre forme, la discussion a été reprise, et l’on peut dire que le tournoi a recommencé. Et d’abord il a semblé que ce n’était plus un tournoi. Les documens se présentaient plus nombreux, plus complets ; et éclairés par un sens historique tout neuf, par une comparaison très attentive. Il n’y avait plus d’ailleurs de préjugé dominant (les contemporains n’ont jamais de préjugés) ; enfin on se serait cru d’accord. Pourtant dans ces importans travaux de M. Guizot, de M. Augustin Thierry et de son frère Amédée, de M. de Châteaubriand en ses Études historiques, de M. de Sismondi, de M. Fauriel, on trouverait lieu de noter au moins des nuances de systèmes et des traces de direction assez différentes. L’élément, l’intérêt démocratique, celui des communes, ou de ce qui devait un jour s’appeler de ce nom, dominait en général ; la monarchie et l’église avaient un peu le dessous. Mais voilà que M. de Saint-Priest, dans ses loisirs du Nord, s’est aperçu de la lacune et a conçu le dessein de la combler. Il s’est ressouvenu vivement de l’idée monarchique et a estimé qu’elle n’avait pas obtenu sa part historique suffisante, son juste rôle, dans les récens travaux des plus illustres maîtres sur nos vieilles races. Nourri de vastes lectures, armé d’une érudition remuante, d’une hardiesse de construction très prompte, il a fait brèche à son tour dans quelques-unes des lignes qui avaient semblé le mieux retranchées. S’il n’a pas raison, je le crois bien, dans toutes ses revendications, il y a lieu du moins qu’on lui réponde : on a désormais à compter et probablement à transiger sur plus d’un point avec lui.

Je dis que l’ouvrage de M. de Saint-Priest aboutit principalement et vise sans doute à ces questions de nos origines nationales. Quoique l’auteur ait pris son sujet de beaucoup plus haut, et que, loin de circonscrire sa carrière, comme il semble le croire, il l’ait considérablement élargie, le plus incisif de sa docte manœuvre, le plus vif de la bataille très complexe et très brillante qu’il engage, se livre encore dans le champ de nos vieilles Gaules. On pourrait s’y méprendre à ne voir que le début. Son récit entame et suit l’histoire de l’idée d’empire, de royauté et de dynastie, à partir d’Auguste ; ses Prolégomènes remontent beaucoup plus haut, et nous transportent du premier pas aux plateaux les plus reculés de la mystérieuse Asie. Lui si Français d’esprit, il a excédé par ce bout peut-être notre mesure française, laquelle est restée très discrète et très rebelle, nonobstant le régime oriental et symbolique qu’on a essayé de nous