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DU CRÉDIT ET DES BANQUES.

stance qui fait honneur à la moralité des divers gouvernemens qui se sont succédé en France depuis leur institution. Ce qui reste à faire à leur égard en est abrégé et simplifié d’autant. Il s’agit moins d’émonder que d’amplifier et d’étendre ; tâche facile, agréable même, pour l’homme d’état qui saura l’entreprendre, sauf toutefois la suppression du privilége, devant laquelle plus d’un reculera.

Une belle occasion s’offrait d’élargir ce système lorsqu’il fut question, en 1840, du renouvellement du privilége de la banque de France. On n’en profita point, on ne voulut rien faire. Il était difficile d’espérer qu’on allât dès ce moment jusqu’à retirer à la banque le privilége dont elle jouissait depuis quarante ans, car quelle apparence qu’avec les préjugés dont on était imbu on se prononçât contre cette espèce de droit acquis ? On l’aurait pu, selon nous, sans dommage pour la banque elle-même, qui aurait amplement regagné, par l’extension de ses attributions, ce que la concurrence lui eût fait perdre. La première en date, recommandable par ses antécédens, par sa conduite constamment prudente et sage, par ses grands capitaux, accrus de la somme de ses bénéfices antérieurs, elle eût certainement conservé sur toutes les banques qui se seraient établies à côté d’elle une supériorité marquée, et même une sorte de patronage, qui n’eût été ni sans honneur ni sans profit. Certes une semblable position, fécondée d’ailleurs par les nouvelles attributions qu’elle se serait données, eût été, malgré les tracas inévitables de la concurrence, plus avantageuse à la fois et plus haute que l’existence exclusive, mais étroite, qu’on lui a faite. On pouvait donc supprimer ce privilége, au grand avantage du pays et sans dommage pour personne ; mais cette vérité ne devait pas être comprise alors par le gouvernement, par la législature, et surtout elle ne devait pas prévaloir chez les intéressés. Quiconque jouit d’un privilége y tient, n’en obtînt-il que des avantages problématiques, et pour un gouvernement il est malheureusement toujours plus facile de l’accorder que de le retirer. Aussi personne n’espérait-il que ce privilége serait détruit ; mais qui aurait pu jamais croire qu’on ne songerait pas même à l’étendre, et que toutes choses seraient maintenues dans l’état misérable où elles étaient auparavant ?

Si aujourd’hui notre parole avait quelque autorité près du gouvernement et près des chambres, nous leur demanderions non pas d’abolir le privilége, puisqu’à cet égard il y a engagement contracté et parti pris, mais de faciliter l’établissement des banques dans les départemens ; quant aux banques existantes, de favoriser, au lieu de les défendre, les relations qu’elles peuvent former entre elles ; de les autoriser à recevoir des dépôts à intérêts de 2,000 fr. au minimum ; de leur permettre en conséquence d’ouvrir des crédits à découvert dans une certaine limite ; enfin d’abaisser le minimum des coupons de billets, non pas au taux de 250 fr., comme on l’a proposé pour la banque de France ; non pas même au taux de 125 fr. comme en Angleterre, mais au taux de 25 fr., comme en Écosse.


Charles Coquelin.