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peut reprocher aux banques de Belgique qui n’ont pas laissé cependant de rendre de grands services à leur pays.

Le même raisonnement s’applique aux banques agricoles, c’est-à-dire spécialement instituées pour favoriser l’agriculture et faire des avances aux cultivateurs. Les rentrées sont si lentes dans l’agriculture, et les cultivateurs sont, par leur position même, si éloignés du mouvement commercial, qu’ils ne peuvent guère contracter que des engagemens lointains, condition diamétralement opposée à la bonne administration d’une banque. Nous pourrions citer plusieurs banques agricoles qui ont croulé, quelquefois dans les conditions en apparence les meilleures et avec un actif fort supérieur à leur passif. Nous n’en connaissons pas une qui ait joui d’une existence prospère.

C’est bien à tort, du reste, qu’on veut établir pour l’agriculture des établissemens spéciaux de crédit. Développez le crédit largement dans les villes, et soyez sûrs qu’alors il se communiquera, il se répandra partout, même à la campagne, si ce n’est directement au moins par des intermédiaires, pourvu toutefois que le mouvement des produits agricoles au dedans et au dehors soit assez libre pour qu’ils deviennent dans les villes un objet de commerce et de spéculation.

En finissant, il conviendrait peut-être de jeter un coup-d’œil sur ce qui existe, en France pour en signaler les défauts ou les mérites ; mais ce qui existe en France n’offre malheureusement qu’une bien petite matière à l’observation. Le principe du privilége, appliqué d’ailleurs avec une parcimonie rare, y a tout enchaîné, tout amoindri. Une dizaine de banques pour un pays tel que la France ! voilà tout. Et encore dans quel cercle étroit ces établissemens sont-ils condamnés à se mouvoir ! Tels qu’ils sont, ils font encore du bien ; qui en doute ? Mais ce sont à peine quelques gouttes d’eau répandues sur un sol aride.

Ce n’est pas qu’à certains égards la banque de France ne soit une grande et belle institution. Par l’importance de son capital, et même par l’étendue de ses escomptes, elle ne le cède à aucune autre. Cependant elle ne pratique ni les dépôts à intérêts, ni les crédits à découvert, opérations si utiles à l’industrie ; sa circulation est d’ailleurs très bornée, au point qu’elle égale à peine la masse des fonds qu’elle tient constamment en réserve : pour tout dire enfin, elle est seule, armée d’un privilége exclusif, dans un centre de commerce où plusieurs établissemens du même genre se trouveraient à l’aise.

Au reste, le plus grand, le seul tort peut-être du système français, c’est cette extrême exiguité, jointe à l’abus du privilége exclusif. À part cela, on n’y remarque rien de foncièrement condamnable. Nos banques, si peu nombreuses, si chétives quant à l’étendue de leur action, sont du moins exemptes de ce vice originel qui en a égaré tant d’autres. L’intervention du gouvernement, chose rare, n’en a pas corrompu le principe ni dénaturé l’essence. Quoique établies sous son autorité et agissant même à certains égards sous sa direction ou son contrôle, elles n’ont guère été détournées à son profit de leur destination commerciale, et jamais d’une manière vraiment compromettante ; circon-