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ment, sans remise, avec une fidélité inviolable. Après tout, personne n’a le droit de les en dispenser, pas même l’état, car ce n’est pas avec l’état, mais avec les particuliers et le public qu’elles ont contracté ; et il y a grand danger à le faire, car c’est les entraîner dans une voie périlleuse et préparer les désastres. Cependant la plupart des gouvernemens, d’ordinaire si réservés, si difficiles, si méticuleux quant à l’institution des banques, si prompts à leur imposer toute sorte de règles arbitraires, gênantes et vexatoires, se montrent très lâches quand il s’agit, dans les momens de crise que leurs fautes ont préparés, de leur appliquer les principes du droit commun. Ils les traitent alors comme des enfans gâtés : ils se relâchent à leur égard ; ils leur accordent, en violation de leurs engagemens sacrés, au mépris des droits des particuliers, des facilités abusives, qui ne font que les encourager dans des voies fausses et préparer de nouveaux désastres. Coupable facilité, tolérance funeste, dont on a vu trop souvent les déplorables suites !

Un gouvernement doit aux banques protection, liberté, mais nulle faveur. Ainsi, il est contre toute raison qu’il favorise l’émission de leurs billets, en ordonnant, par exemple, qu’ils seront reçus en paiement de l’impôt. C’est aux banques à se faire une position telle, à élever si haut leur crédit, à inspirer à tout le monde une confiance si étendue et si complète, à rendre d’ailleurs si facile la réalisation de leurs billets, que tout le monde trouve avantage et parfaite sécurité dans leur emploi. Alors les receveurs des contributions n’hésiteront pas plus que tant d’autres à les prendre sous leur responsabilité personnelle. Dans le cas contraire, il y a abus à les y forcer, ou même à les y inviter. C’est donner aux banques une marque de confiance qu’elles ne méritent pas ; c’est les encourager dans le mal, en les dispensant de mieux faire ; c’est en même temps imposer à l’état un sacrifice qu’il ne doit pas accepter, ou un danger qu’il ne doit pas courir.

À plus forte raison, ne doit-on pas donner aux billets des banques un cours forcé. Ç’a été la prétention de bien des gouvernemens de faire circuler, sous l’autorité de la loi, des billets qui ne se recommandaient pas suffisamment d’eux-mêmes, et qui peut dire combien de désordres ces mesures violentes ont entraînés ? Quand les billets offrent toutes les garanties désirables, elles ne sont que superflues ; dans le cas contraire, elles sont à la fois odieuses et vaines. Elles sont vaines, car il n’est donné à personne, non pas même au législateur, de faire accepter dans la circulation, pour sa valeur entière, un papier discrédité ; elles sont odieuses pourtant, car il y a toujours malheureusement des cas particuliers où l’autorité de la loi prévaut, et où d’indignes spoliations se commettent sous son égide. De telles mesures, loin de soutenir le crédit, achèvent de le détruire. Elles ont d’ailleurs pour effet naturel, comme nous l’avons vu, de chasser le numéraire, en lui créant une situation désavantageuse et fausse, où il ne trouve plus que difficilement à s’échanger pour sa valeur[1]. On a renoncé depuis long-temps, grace au ciel, à l’expé-

  1. Cela s’est vu aux États-Unis et en Angleterre, lors de la suspension des paie-