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DU CRÉDIT ET DES BANQUES.
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au papier des banques, malgré le discrédit qui le frappe, un cours forcé. Il n’est pas donné à de telles lois de relever le papier dans l’opinion, et de lui rendre une valeur qu’il a perdue par d’autres causes ; mais il leur est malheureusement donné de gêner la circulation du numéraire, de lui créer une situation désavantageuse et fausse, et de le forcer par là à chercher un refuge à l’étranger.

Avec plus de raison, on rappelle que les pays qui jouissent du plus grand crédit sont les plus sujets à ces crises financières, qui viennent de temps à autre affliger le commerce et bouleverser toutes ses relations. En général, il faut le dire, on insiste trop, on appuie trop fortement sur ces accidens passagers, dont on s’exagère singulièrement les tristes conséquences. On ne voit pas que ces crises, là où il n’existe pas d’autre cause de malaise et de souffrance, font souvent encore plus de bruit que de mal, et que tel pays, travaillé par ces désastres financiers, est encore, à ce moment même, à tout prendre, plus heureux, plus favorisé que le nôtre. N’essayons pas pourtant d’atténuer la gravité de ces évènemens ; laissons-les tels et aussi terribles qu’on les suppose. Que faudra-t-il en conclure ?

Les crises commerciales, telles qu’on les conçoit, ne sont généralement pas autre chose que des disparitions momentanées du crédit. Cela étant, il est naturel que ces crises n’arrivent que là où le crédit existe, par la raison bien simple qu’on ne peut perdre que ce qu’on a : il est naturel aussi que ces crises, quand elles surviennent, soient d’autant plus graves que le crédit est plus large et plus étendu. Il y a long-temps que les philosophes l’ont dit : il n’y a que ceux qui possèdent qui soient exposés à perdre, et ce sont précisément ceux qui possèdent le plus qui sont exposés aux pertes les plus grandes. Voilà pourquoi les plus riches, les plus favorisés du côté du crédit, sont plus sujets que les autres à ces perturbations qu’on appelle crises commerciales. Est-ce à dire que ce crédit soit pour eux une source de mal ? De ce qu’ils sont exposés à le perdre de temps en temps, pendant quelques mauvais jours, est-ce à dire qu’ils ont tort de s’en servir quand ils le peuvent, d’en profiter quand il existe ? Quand même ils seraient exposés, ce qui n’est pas, à le voir disparaître une fois sans retour, auraient-ils tort de jouir en attendant de ses bienfaits ? Ce serait l’avis des moralistes qui ont prêché le mépris des richesses ; est-ce celui des économistes et des hommes d’état ? À ce compte, ils ne devraient pas repousser le crédit seulement, mais tout ce qui fait la richesse des particuliers et la richesse publique. Pour ne pas laisser les hommes exposés aux atteintes de la fortune, ils devraient les ramener à la simplicité de l’âge d’or ; pour ne pas laisser les cultivateurs exposés aux ravages de la grêle, ils devraient leur défendre de cultiver les champs. Mais on s’abuse sur tout cela. En voyant un état de choses prospère fondé sur le crédit, on ne voit pas assez clairement la part qui lui en revient ; on s’imagine qu’il eût été facile d’arriver là sans son secours. Quand ensuite sa disparition vient troubler cette prospérité, qui était son ouvrage, et laisse dans les relations commerciales un vide inusité, on lui attribue toutes les pertes