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entravent le cours. Et, en effet, dans la pratique, c’est en échange des effets de commerce qu’il est délivré. Le fait même de cet échange en dit assez : il prouve jusqu’à l’évidence que le billet de banque remplace, non l’argent, mais le papier commercial. Il le remplace, du reste, avec toutes sortes d’avantages, et c’est uniquement par la supériorité de son emploi qu’il se distingue éminemment des autres titres de crédit.

Si l’on veut maintenant rappeler une à une les principales circonstances de cet emploi, on sera frappé des avantages qui en découlent.

Émis par une compagnie puissante, dont le nom, la fortune et le crédit sont connus partout, le billet de banque inspire à tout le monde une confiance égale. Il n’est pas, comme les billets ordinaires, renfermé dans un certain cercle plus ou moins étroit, mais susceptible au contraire de circuler partout. De même que la compagnie dont il émane acquiert par son importance le caractère d’une institution publique, il devient, lui, une sorte de titre public, doué de la faculté de se généraliser dans un pays.

Payable au porteur, il devient à ce titre une sorte de papier vulgaire à l’usage de tous. Comme il n’y a pas de formalités à remplir, pas d’écritures à faire pour le faire passer d’une main dans une autre, il rivalise, pour la facilité et la rapidité de la transmission, avec la monnaie courante. Il est même, dans bien des cas, d’une transmission plus commode et plus facile en raison de sa légèreté. C’est à cette même circonstance qu’il doit d’avoir toujours pour tout le monde, et dans quelque main qu’il soit, la même valeur ; car, à la différence des billets ordinaires, où le preneur ne considère souvent que la signature de son cédant immédiat, qu’il connaît mieux que les autres souscripteurs, et n’accepte le titre que par égard pour lui, on ne considère dans le billet de banque que la signature de la compagnie qui l’a créé, et on l’accepte indifféremment et aux mêmes conditions, de quelque main qu’il vienne. Nouvelle raison pour que son usage se généralise, et que sa transmission n’éprouve jamais ni difficultés, ni retards.

Ce billet, ayant sur les autres l’immense avantage d’être payable à volonté, égale par là en valeur un billet ordinaire qui serait arrivé à son jour d’échéance ; il vaut comme lui de l’argent comptant. Cette valeur, que le billet ordinaire possède une seule fois, un seul jour, au terme de sa circulation, il la possède, lui, dès son principe et dans tous les temps. Propriété remarquable et bien précieuse, mais sur la nature de laquelle il ne faut pas se méprendre, en s’autorisant de là pour attribuer au billet de banque le caractère de la monnaie. En bonne raison, on ne doit y voir que le caractère du billet échu, rendu permanent et en quelque sorte fixé dans le titre. Mais de cela même que ce caractère est permanent, le billet de banque peut toujours, quoique échu, ou rester entre les mains du porteur, ou circuler de nouveau pour effectuer des paiemens ou des transports d’argent. C’est ainsi qu’à la valeur d’un billet échu il joint tous les avantages d’un billet en cours d’émission. Admirable réunion des propriétés en apparence les plus contraires ! Point d’embarras d’ailleurs, point de difficultés ni de contestations sur la