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point qu’elle tend visiblement à la remplacer partout[1]. C’est la seule dont nous ayons à nous occuper ici.

La fonction du banquier consiste donc à recevoir les effets du commerce, en fournissant immédiatement leur valeur, sous la déduction des intérêts à courir jusqu’au jour de l’échéance. C’est ce qu’on appelle escompter.

À voir la manière dont les banquiers opèrent, soldant avec facilité et presque sans remise une masse considérable de billets qui leur arrivent de toutes parts, bien des gens s’imaginent voir en eux de puissans capitalistes, dont les caisses regorgent d’or, et qui n’ont autre chose à faire que d’y puiser à pleines mains. C’est une erreur. S’il y a des banquiers fort riches, il n’est pas absolument nécessaire qu’ils le soient, et, riches ou non, ce n’est guère avec leurs propres capitaux qu’ils travaillent. Réduits à leurs ressources personnelles, ils ne tarderaient pas, quelles qu’elles fussent, à se voir à bout de leurs avances, et le cercle de leurs opérations serait toujours infiniment borné. Que font-ils donc, et par quels moyens parviennent-ils à effectuer les innombrables escomptes dont ils se chargent ?

Au fond, les banquiers ne sont là que des intermédiaires, à peu près comme les courtiers et les agens de change, avec la seule différence, différence assez importante d’ailleurs, qu’ils se rendent eux-mêmes parties intéressées dans les négociations qu’ils entreprennent. Ils sont d’abord intermédiaires entre les industriels et les capitalistes. C’est chez eux que ces derniers déposent de préférence les capitaux qu’ils veulent faire valoir, ou qui sont momentanément disponibles entre leurs mains. Par cela même que les banquiers sont en rapport avec un grand nombre d’industriels dont ils reçoivent les billets, ils offrent aux capitalistes un placement toujours prompt, toujours facile, placement d’autant plus sûr qu’il est garanti par eux. C’est ainsi qu’ils voient affluer dans leurs caisses une masse assez considérable de capitaux, dont l’emploi, grace à leurs soins, n’éprouve aucune interruption. Première ressource, qui n’est pas sans importance pour leurs escomptes. Ils sont de plus intermédiaires entre les commerçans eux-mêmes. Les billets qu’ils ont reçus et escomptés, ils les remettent souvent dans la circulation, après les avoir revêtus de leur propre signature. Dans bien des cas, en effet, pour le commerçant lui-même, des billets valent mieux que de l’argent, comme, par exemple, lorsqu’il a des paiemens à faire dans des places éloignées et que l’envoi de simples billets payables dans ces places peut lui épargner le trans-

  1. Dans un grand nombre de nos villes de province, les courtiers agens de change sont escompteurs, c’est-à-dire banquiers, en dépit de la loi qui leur interdit toute opération pour leur propre compte. C’est qu’en effet la loi est, à cet égard, arriérée d’un siècle. À Paris, il n’y a plus, à proprement parler, d’agens de change, les hommes qui portent ce nom ayant depuis long temps renoncé aux fonctions spéciales que la loi de leur institution leur attribue, pour s’occuper exclusivement de la négociation des effets publics.