Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 31.djvu/810

Cette page a été validée par deux contributeurs.
806
REVUE DES DEUX MONDES.

Il resterait beaucoup à dire sur un sujet si vaste, mais nous n’avons pas dessein de l’épuiser, et nous en avons dit assez pour faire sentir l’immense utilité du crédit dans l’ordre industriel. Tâchons d’expliquer maintenant à quel titre et dans quel but les banques apparaissent dans ce système.

IV.

Si l’on a bien compris, dans ce qui précède, tout ce qui découle du seul usage du crédit commercial, on a dû pressentir que, là où il existe, il est aussi superflu que dangereux de recourir à ces mesures extra-commerciales dont on s’est tant de fois avisé pour augmenter, disait-on, la masse des richesses circulantes. Aussi doit-on penser que ce n’est pas une création de richesses fictives que nous allons demander aux banques. Il va sans dire que nous ne pouvons les considérer que comme les propagateurs du crédit commercial, qui, pour, se développer largement, a besoin de leur appui.

Il semble, au premier abord, que dans l’exercice du crédit le commerce puisse se suffire à lui-même, et n’ait aucun besoin d’un appui étranger. On vient de voir, en effet, que c’est dans son propre sein que presque tous les actes de crédit se consomment. Sauf les prêts des capitalistes, ressource faible et bientôt épuisée, tout ce qui vient à lui part de lui. Il est lui-même la source des crédits dont il use, source inépuisable, parce qu’elle se renouvelle sans cesse dans la production. Pourquoi donc une assistance étrangère ? À ne considérer que les données premières, on n’en voit pas la nécessité, et il est vrai de dire qu’en principe cette assistance étrangère est inutile.

Mais nous savons déjà que ce système suppose nécessairement la faculté pour chacun de négocier les billets qu’il a reçus en paiement de ses marchandises. Autrement, le mouvement de la production et des échanges se trouverait comme arrêté dès son début, puisque d’une part l’avance faite par un producteur ne lui donnerait aucun moyen d’en obtenir ailleurs l’équivalent sous une autre forme, et que de l’autre il se verrait lui-même hors d’état de la renouveler le lendemain. Toutes les avances pratiquées dans le commerce rentreraient alors dans le cas du simple prêt fait par un capitaliste, lequel n’opère, ainsi qu’on l’a vu, qu’un simple déplacement de capital productif. La faculté de négocier les billets reçus en paiement des marchandises est donc la condition nécessaire de l’exercice du crédit, le complément indispensable de l’acte qui le constitue. Or c’est là que les difficultés commencent. Livré à lui-même, le commerce ne trouverait pas le placement de ses billets, du moins la circulation en serait-elle lente, difficile, étroite ; par conséquent l’usage en serait singulièrement borné, et le crédit lui-même souffrirait nécessairement de cette contrainte. Voilà précisément ce qui rend nécessaire l’intervention des banques.

Ce n’est pas qu’à la rigueur on ne puisse admettre un état de choses où les