sortiraient, encore une fois, toutes ces valeurs en plus qui seraient le partage de tous ? Cela veut dire que, dans un intervalle de temps donné, le négociant ou producteur a dix fois, au lieu d’une, renouvelé ses matières et ses produits. Cela veut dire qu’au lieu de laisser ses capitaux stérilement enfouis dans une masse incommode de marchandises à vendre, il a profité de leur prompt écoulement pour décupler sa production ; que, grace aux facilités qu’il accorde et à celles dont il use, ou il a augmenté dix fois le nombre de ses instrumens de travail, ou il a fait rendre à chacun d’eux, par un emploi plus actif, des fruits dix fois plus abondans. Voilà tout le mystère : aussi simple dans ses termes que fécond dans ses résultats.
Mais par quelle mystérieuse influence le crédit opère-t-il ces miracles ? Et serait-il impossible d’obtenir les mêmes résultats par d’autres moyens ? Cette influence du crédit s’explique par cela seul qu’il augmente chez tout le monde le pouvoir d’acheter. Au lieu de réserver ce pouvoir à ceux qui ont actuellement la faculté de payer, il le donne à tous ceux, et le nombre en est grand, qui offrent dans leur position et leur moralité la garantie d’un paiement futur ; il le donne à quiconque est capable d’utiliser les produits par le travail. Par là, il augmente le nombre des consommateurs, et particulièrement de cette classe de consommateurs qui n’achètent les produits que pour les employer à la reproduction. De plus, il étend pour chacun d’eux la sphère de cette consommation reproductive. C’est ainsi qu’il facilite l’écoulement des produits et leur conversion en instrumens de travail. Si l’on veut comprendre, en outre, jusqu’à quel point son influence à cet égard est nécessaire, on n’a qu’à envisager sans trouble la situation ordinaire du commerce privé de ce secours.
Il y a un proverbe commercial qui dit : Le difficile n’est pas de produire, c’est de vendre : Sans prendre cette assertion trop à la lettre, il est impossible de n’en pas reconnaître la vérité relative. Assurément, si la difficulté de vendre n’arrêtait pas les producteurs, ils seraient en état de porter la production bien au-delà de ses limites actuelles. Combien avons-nous en France d’industriels qui produisent tout ce qu’ils peuvent ? Pas un sur dix. Pour tous, la grande question, c’est moins de produire que d’écouler les produits. De là tant de soucis, tant de soins, tant de démarches pour trouver des acheteurs.
Non, dit M. J.-B. Say, que nous trouvons encore ici sur notre route, le difficile n’est pas de vendre, c’est de produire, car les produits s’achètent avec les produits, et, si la difficulté de vendre se fait sentir d’un côté, c’est que la production a manqué de l’autre. Étrange préoccupation d’un esprit juste, mais que ses théories dominent ! Esclave de quelques principes généraux qu’il a posés lui-même, il les suit en aveugle, au risque de se mettre pour eux en guerre ouverte avec les faits. Mais ne nous arrêtons pas à cette objection qui tombera d’elle-même.
Cependant, à côté, de tant d’hommes embarrassés de vendre, d’autres, en plus grand nombre encore, éprouvent, sans pouvoir le satisfaire, le besoin d’acheter. Disons mieux, cet embarras et ce besoin se rencontrent à la fois