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DU CRÉDIT ET DES BANQUES.

presque toujours aux pouvoirs même qui les instituaient : témoin les extravagances de la banque de Law, les périlleuses expériences de la banque de Londres, et celles plus regrettables des banques américaines, qui, elles aussi, ont été établies dans l’origine en vue des pouvoirs qui les autorisaient. Un peu moins de priviléges et plus de liberté : voilà ce qu’il fallait à ces banques pour répandre le bien là où elles ont trop souvent semé la ruine. Nulle part le système du crédit par les banques ne s’est développé avec plus de liberté et de spontanéité qu’en Écosse, et nulle part il n’a poussé des rameaux plus vigoureux, ni porté des fruits plus abondans et plus purs.

Il est probable que l’Écosse avait emprunté à l’Angleterre l’idée de l’institution des banques ; mais elle ne tarda pas à la devancer dans cette carrière en s’y frayant des routes nouvelles. Ainsi, c’est la banque d’Écosse qui, la première, dès l’année 1696, établit des succursales, émit, en 1704, des billets au porteur de 1 liv. sterl., reçut des dépôts à intérêts, et, dès l’année 1729, accorda des crédits en compte : opérations auxquelles la banque de Londres est demeurée étrangère, et qui ont été long-temps caractéristiques du système écossais.

En répandant leurs branches sur toute la surface du pays, les banques écossaises y ont jeté un merveilleux réseau d’agens de la circulation. Par là elles ont étendu leur influence, réparti leurs bienfaits, et créé à l’usage du commerce des moyens de communication faciles et sûrs, qui en ont activé les transactions. Les crédits en compte, qu’elles ont pratiqués concurremment avec l’escompte des effets de commerce, diffèrent de celui-ci quant au fond. C’est une autre manière de faire des avances et d’accorder aux commerçans le bénéfice du crédit. Il y a pourtant, comme nous le verrons plus tard, une différence assez notable dans l’application ; mais, par cela seul que le mode diffère, il a son utilité propre, car il est bon que les moyens d’être utiles varient comme les besoins qu’ils sont destinés à satisfaire.

La plus belle innovation qui leur soit due, c’est sans contredit l’usage des dépôts à intérêts. Quand on compare sur ce point la pratique des banques écossaises avec celle des anciennes banques de Venise, d’Amsterdam et de Hambourg, on se sent comme transporté dans un autre monde, et l’on mesure avec étonnement les progrès accomplis. À Venise, à Amsterdam, à Hambourg, les déposans payaient à la banque des droits de garde ; ils payaient même une légère rétribution à chaque transfert, et une autre encore lors du retrait des dépôts. Ici les rôles sont renversés, et ce sont les banques elles-mêmes qui paient, à titre d’intérêts, une rétribution aux déposans. Entre ces deux modes d’opérer, il y a tout un abîme, et l’on pressent déjà les conséquences d’un changement si radical.

D’abord, l’appât d’un intérêt attirant dans les caisses des banques toutes les sommes réservées dans les caisses particulières ; la masse des dépôts s’est accrue. L’habitude de verser en banque son argent disponible est devenue générale, de particulière qu’elle était à une certaine classe de commerçans. De là l’usage des transferts s’est lui-même généralisé, et le but que les an-