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réunion à l’Angleterre, fut par les commissaires affectée à cet usage, le meilleur en effet qu’on pût trouver. On n’y appliqua d’abord que 111,000 liv., et le capital fut fixé à 150,000 liv. dans l’année 1738. Cette nouvelle banque, érigée en corporation comme la première, ne fut pas moins heureuse qu’elle, et leur existence simultanée ne fut pas un obstacle à leurs développemens progressifs.

Une troisième banque incorporée fut établie en 1746 sous le nom de compagnie linière (British linen company). Comme son titre l’annonce, elle eut d’abord pour objet spécial d’encourager l’industrie du lin, industrie presque nulle alors et maintenant si florissante. Elle lui rendit en effet d’immenses services ; mais dans la suite elle étendit son patronage indistinctement sur toutes les industries, et ne se distingua plus en cela des autres banques. Son capital, primitivement fixé à la somme de 100,000 liv. sterl., fut porté plus tard à 500,000 liv. ; mais il n’a pas dépassé cette limite, inférieure même à celle où se sont arrêtées la plupart des compagnies rivales, ce qui ne l’a pas empêchée de se placer dans une position très éminente, où elle s’est maintenue jusqu’à ce jour.

C’est à Édimbourg que s’étaient concentrées ces premières banques. Glasgow, la seconde ville de l’Écosse, ne tarda pas à suivre l’exemple de la capitale, qui fut ensuite imité de proche en proche dans toute l’étendue du pays. Il est bon de remarquer d’ailleurs que les trois banques que nous venons de nommer sont les seules qui aient été fondées avec l’intervention de l’autorité publique et érigées en corporations. Toutes les autres se formèrent librement, spontanément, et se constituèrent en compagnies à fonds réunis (joint stock banks), espèce de société très répandue dans la Grande-Bretagne, dispensée de toute autorisation préalable, et qui n’est pourtant pas autre chose que notre société anonyme, avec cette seule différence que rien n’y limite la responsabilité des associés.

Pourquoi les banques d’Écosse se sont-elles généralement constituées sur de meilleures bases que celles de Londres, à commencer par la première, qui s’établit presqu’en même temps ? C’est qu’elles étaient situées loin du siége du gouvernement, avec lequel elles n’eurent jamais, heureusement pour elles, aucun rapport direct. Ce qui a fait le malheur de la plupart des banques, ce qui a été la cause la plus ordinaire de leurs erreurs, de leurs désastres, c’est qu’elles ont été prises presque partout sous l’aile des gouvernemens, qui en ont fait le plus souvent des caisses d’emprunt pour leur usage. Abandonnées à elles-mêmes, elles se seraient généralement conduites, on peut le croire, avec réserve, avec prudence. Il n’entre guère dans l’esprit du commerce de se lancer dans les entreprises extravagantes. Quelque audacieux qu’on le suppose, il se ménage, il galonne en progressant, et ne se jette point à corps perdu dans les hasards. Pourquoi les banques auraient-elles agi autrement, elles qui, instituées en grandes compagnies, comme elles le sont toujours, doivent naturellement procéder avec plus de mesure encore que les établissemens privés ? Aussi, l’histoire le prouve, la cause de leurs erreurs remonte