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DU CRÉDIT ET DES BANQUES.

duit à un autre, l’émission des billets circulans, qui se lie de près, comme nous le verrons, à l’escompte, et dès-lors les banques se seraient placées sans effort au point où elles sont arrivées de nos jours. On se demande comment cette idée si simple ne s’est pas présentée à l’esprit des habiles négocians que ces villes célèbres renfermaient en si grand nombre ; ou plutôt si, comme nous avons lieu de le croire, elle ne leur a pas échappé, comment se fait-il qu’ils n’aient pas songé plus sérieusement à la réaliser ?

Cette singularité s’explique. Il faut se rappeler d’abord que partout où existaient les banques dont nous parlons, les dépôts étaient reçus sous l’autorité de la ville ou de l’état, qui s’en rendait caution. Disposer de ces dépôts, même dans des vues louables et avec des garanties satisfaisantes, c’eût été à certains égards violer la foi publique. Ce qui pouvait convenir à des compagnies composées d’hommes privés, agissant sous l’autorité de la loi, ne convenait peut-être pas autant à des pouvoirs constitués contre lesquels le recours est moins facile. Ce système aurait exigé, d’ailleurs, on vient de le voir, la constitution préalable d’un fonds de réserve : autrement, la possibilité d’un découvert, en alarmant sans cesse les déposans, les aurait souvent portés, avant le temps, à retirer leurs dépôts, et il ne pouvait guère entrer dans la pensée des autorités publiques de se soumettre à une semblable obligation.

Mais cette raison n’est pas la seule. À l’origine, les banques de dépôt n’avaient pas été instituées seulement pour effectuer, par des viremens de parties, le paiement de toutes les dettes respectives des négocians ; elles avaient eu encore pour objet, au moins dans quelques villes, de créer, sous le nom d’argent de banque, une monnaie idéale inaltérable. À une époque où le scandaleux abus de l’altération des monnaies, si fréquent dans la plupart des états de l’Europe, venait à tout instant porter le désordre dans les relations commerciales, les républiques commerçantes s’efforcèrent d’échapper aux conséquences désastreuses de cet abus, en opposant aux monnaies courantes, sujettes à tant de variations, une monnaie idéale qui ne variât jamais. De là cette formation de dépôts publics, où le numéraire était apporté et reçu pour sa valeur intrinsèque, c’est-à-dire en raison de la quantité d’or ou d’argent effectif qu’il contenait ; de là cette supposition de pièces de monnaies idéales, qu’on appelait argent de banque ; de là enfin cette règle d’effectuer tous les paiemens par des cessions de titres ou par de simples écritures, de manière à éviter l’usage, alors si dangereux, des monnaies courantes. On comprend que, si les banques avaient remis immédiatement en circulation, sous forme de prêts ou d’avances, l’argent qu’elles recevaient à titre de dépôt, cet objet essentiel de leur institution était manqué.

Quelque restreintes qu’elles fussent dans leurs opérations, il n’est pas douteux que ces anciennes banques n’aient rendu en leur temps de grands services. C’était beaucoup, à une époque où les monnaies allaient se dégradant partout, au grand détriment des particuliers et surtout du commerce, qui en éprouvait de rudes atteintes, d’avoir pu établir autour de soi l’usage d’une monnaie inaltérable et constante : c’était non-seulement épargner au com-