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LA
DIVINE COMÉDIE
AVANT DANTE.

On ne dispute plus à Dante la royauté solitaire, le rôle inattendu de conquérant intellectuel que son génie a su se créer tout à coup au milieu de la barbarie des temps. Jusqu’ici les apologistes n’ont pas manqué à l’écrivain : investigations biographiques, jugemens littéraires, interprétations de toute sorte, hypothèses même pédantes ou futiles, tout semble véritablement épuisé. Peut-être n’y a-t-il pas grand mal : il s’agit d’un poète, et, si le vrai poète gagne toujours à être lu, il perd souvent à être commenté. Un point curieux et moins exploré reste cependant, qui, si je ne m’abuse, demande à être particulièrement mis en lumière : je veux parler des antécédens de la Divine Comédie. Ce poème en effet, si original et si bizarre même qu’il semble, n’est pas une création subite, le sublime caprice d’un artiste divinement doué. Il se rattache au contraire à tout un cycle antérieur, à une pensée permanente qu’on voit se reproduire périodiquement dans les âges précédens, pensée informe d’abord, qui se dégage peu à peu, qui s’essaie diversement à travers les siècles, jusqu’à ce qu’un homme de génie s’en empare et la fixe définitivement dans un chef-d’œuvre.