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châtaigniers. Jean-Paul raconte que les bains d’Alexandersbad sont peu fréquentés, grace au naturel robuste des habitans du Fichtelgebirg, qui, dans la vigueur de la santé et la plénitude de la force, n’ont que faire de ces eaux thermales, vain luxe de la montagne. Jean-Paul dit vrai, et son observation nous vint à l’esprit dès notre entrée dans le château, qui se trouve être en même temps la maison de bain, le bureau d’inspection, le cercle, l’hôtellerie, bref, toute la ville.

À peine avions-nous mis le pied dans la cour, que sur-le-champ aubergiste et valets accoururent avec cet air affairé des gens que le désœuvrement accable et qui guettent l’occasion d’en sortir et de se remuer un peu, tous empressés outre mesure, tous exclusivement occupés de nous. Il y avait là ce qu’on rencontre partout en Allemagne dans les villes de bains, de vastes et sonores appartemens, un jardin boisé comme un parc, où les oiseaux dans les branches et les eaux vives dans l’herbe en fleur gazouillaient à l’envi ; çà et là, sous les voûtes de feuillage, sur les tapis de verdure, des tables, des siéges et des bancs. L’illusion était complète ; je dis illusion, car, hélas ! les baigneurs manquaient : personne ! Point de groupes autour de ces tables, de causeries sous ces arbres, dont les oiseaux égayaient seuls le silence, et dans le grand salon, au clavier, point de voix !

Nous demandâmes à voir la liste des baigneurs ; l’aubergiste nous répondit qu’on n’en faisait pas.

— Avez-vous quelques personnes ici ?

— Cette année moins que d’ordinaire.

— Combien à peu près ?

— Oh ! très peu.

— Des étrangers ou des Allemands ?

L’aubergiste, poussé à bout, finit par nous avouer que la source d’Alexandersbad n’avait eu l’an passé pour toute clientelle qu’une famille du voisinage, et qu’on vivait dans l’espérance que cette famille viendrait encore cette année faire les beaux jours de la saison. De pareils renseignemens nous eussent étonnés davantage sans la rencontre que nous avions faite à Franzenbrunnen d’une compagnie qui s’en retournait et nous avait prévenus. Cependant nous ne pouvions comprendre comment une source si agréablement située, une eau dont on nous avait parlé avec éloges, attirait si peu de malades, pour ne point dire pas un seul. Après quelque hésitation, l’hôte inspecteur des bains (le digne homme cumulait le double emploi) se décida à nous révéler la cause de cet abandon mystérieux. À l’en