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REVUE. — CHRONIQUE.

préservatif, et tenons-nous-en aux institutions françaises, aux principes de la France régénérée, à la règle établie par l’assemblée constituante, à la régence légitime, de droit.

Ce principe une fois établi, il ne saurait y avoir de discussion sérieuse pour savoir quelles seront les personnes appelées à la régence.

On l’a déjà dit : rien de plus naturel, rien de plus simple, que d’appliquer à la régence le principe qui règle chez nous la succession au trône.

Ajoutons qu’il serait impossible d’établir comme règle le contraire de la loi salique. La mère, l’aïeule, la tante, la sœur du roi, peuvent sans doute être des princesses éminemment aptes à la régence ; mais serait-il d’un homme sérieux d’affirmer qu’elles ont toujours pour elles, dans tous les cas, quelles que soient les circonstances où elles se trouvent placées, la présomption d’aptitude ? Évidemment, admettre les femmes à la régence, c’est supposer que la régence est élective, qu’il y a possibilité de choix comme d’exclusion. Le principe de l’élection n’étant pas admis, les princes seuls peuvent être appelés à la régence.

Mais il serait aussi contraire à la politique qu’à l’équité de confondre la tutelle du roi avec la régence. Tout commande de séparer les deux missions, et il n’est certes pas de meilleure tutelle que celle de la mère ou de l’aïeule paternelle du roi.

Seulement n’oublions pas que l’exercice de la tutelle devient une nouvelle cause d’incapacité pour la régence, surtout dans une monarchie représentative et démocratique. Au milieu des débats de la politique, des orages qui peuvent s’élever avec d’autant plus de violence que les temps de minorité sont l’espoir des esprits inquiets et turbulens, une grande fermeté, une sorte d’audace, peuvent être nécessaires au chef de l’état pour le salut du pays. Faudrait-il que l’énergie de la régente se trouvât paralysée par les anxiétés et les terreurs d’une mère ? Ces terreurs et ces anxiétés qui, même excessives, vont si bien à la mère, pourrait-elle les contenir comme régente, et les factieux ne pourraient-ils pas espérer de faire subir à la mère le joug que repousserait avec indignation le chef de l’état ? La tutrice ne doit songer qu’au roi ; le régent doit se préoccuper en même temps et du roi et du royaume. À lui appartient de savoir qu’il est des dangers qu’un roi même mineur doit courir pour le salut du pays et de la monarchie.

Le projet attribue au régent la même inviolabilité qui couvre la personne du roi, et déclare que le plein et entier exercice de l’autorité royale, au nom du roi mineur, apartient au régent.

Ces dispositions n’admettent pas de contestations sérieuses. On s’est beaucoup demandé ces derniers jours : qu’est-ce qu’un régent ? Et chacun d’en donner une définition appropriée à la thèse qu’il se proposait de soutenir. C’est un artifice synthétique par trop usé. Laissons les définitions à l’école, et, sans nous engager dans des assimilations toujours plus ou moins inexactes et périlleuses, disons ce qui est évident pour tout homme sensé, pour tout ami sincère de nos institutions.