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REVUE. — CHRONIQUE.

de voir cesser promptement une situation qui, avec un roi de dix-huit ans, pourrait faire naître des tiraillemens, des cabales, des luttes fâcheuses à la chose publique.

Le choix du régent offrait une question plus complexe et plus difficile.

Dans plusieurs écrits plus ou moins remarquables, on s’est empressé de rechercher les faits relatifs à la régence, soit de notre propre histoire, soit de l’histoire étrangère. Ces recherches ne manquent pas d’intérêt, mais empressons-nous d’ajouter qu’il n’est pas un seul de ces faits dont on puisse tirer une conséquence directe et complètement applicable aux circonstances actuelles de notre pays. L’histoire offre sans doute de précieux enseignemens à l’homme d’état, mais à une condition : c’est que, dans l’étude et l’analyse des faits, il recherchera avec un égal soin les ressemblances et les dissemblances, les rapports positifs et les rapports négatifs.

La royauté, tout en conservant le même nom, a souvent changé de formes et de principes. On a vu la royauté féodale, la royauté patrimoniale, la monarchie absolue, la monarchie limitée par une puissante aristocratie. Il serait facile de multiplier les divisions et les subdivisions. Notre monarchie ne ressemble à aucune de celles que nous venons d’énumérer. Elle est une monarchie constitutionnelle, représentative, implantée dans un pays d’égalité civile ; elle est la clé de voûte qui lie entre eux et raffermit tous les élémens, si variés et si mobiles de leur nature, qui constituent ce grand corps démocratique, la France. C’est là pour nous le point capital de la question, le point qu’on ne pourrait perdre de vue sans raisonner à faux, sans tomber dans l’absurde.

C’est à la monarchie que nous devons notre admirable unité nationale, cette unité dont la France seule offre au monde un type achevé, un exemple qu’on a cherché à suivre, et que nul n’a pu encore imiter complètement.

Nous concevons la régence élective dans les monarchies aristocratiques, là où une caste privilégiée, un patriciat fort et compact domine tout, même la royauté. Là l’élection est une arme, un moyen d’influence que l’aristocratie se réserve pour faire sentir sa puissance à la couronne elle-même, et accoutumer de plus en plus le pays au respect de ces grandes familles qui distribuent à leur gré jusqu’aux pouvoirs monarchiques. Dans ces pays, l’élection n’offre pas pratiquement de graves inconvéniens, car d’un côté la royauté n’y joue pas un rôle très actif et y possède plus encore les apparences que la réalité du pouvoir, et de l’autre l’aristocratie, par la force de son organisation et la régularité de ses mouvemens, écarte les dangers du système électif.

On conçoit encore la régence élective dans les monarchies absolues. Le roi lui-même dans sa toute-puissance désigne la personne qui exercera les droits de la royauté pendant la minorité de son successeur ; mais, comme le pouvoir absolu tend toujours à se personnifier, et qu’il est plutôt regardé comme un fait que comme un principe par ceux-là même qui le redoutent et le vénè-