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REVUE. — CHRONIQUE.

qu’on puisse en tirer ? C’est que, pour avoir une loi de régence, il faudrait une révolution, une révolution faite à la main, uniquement pour savoir quelles seront les personnes appelées à la régence, si tant est que nous ayons jamais besoin d’un régent.

Il est par trop singulier d’entendre à cette occasion rappeler la révolution de 1830. Certes nul plus que nous ne la tient pour parfaitement légitime, car elle a été à la fois juste, nécessaire, modérée, même généreuse. Elle réunissait ainsi tous les caractères qui rendent irréprochables ces grandes crises de la vie des nations. Est-ce à dire qu’il faille procéder révolutionnairement aujourd’hui, sans nécessité aucune, sans motif, uniquement pour donner satisfaction à je ne sais quelle idée spéculative, pour faire l’essai d’une théorie ?

En 1830, les chambres ont fait ce qu’il était possible de faire, et il est remarquable que, même en se pliant aux terribles nécessités du moment, en agissant sans le concours d’une royauté qui venait de tomber dans l’abîme qu’elle s’était creusé, elles ont cependant cherché à s’écarter le moins possible de la stricte légalité. Une révolution n’était pas leur vœu, leur projet ; c’était une nécessité qu’elles subissaient avec courage et fermeté. Après tout, nul n’est tenu à l’impossible, et, lorsque les moyens ordinaires manquent par la faute d’autrui, on est parfaitement en droit de s’en passer, surtout lorsqu’on ne se permet rien d’illégitime en soi, et qu’on sauve l’honneur, l’indépendance, la liberté de son pays. C’est ainsi que le commandant d’un navire, si l’ouragan lui enlève une partie de sa mâture, redouble d’efforts pour continuer sa marche avec les agrès qui lui restent, et il est heureux et fier de pouvoir ainsi gagner le port et sauver l’équipage, la cargaison et le navire. Que dirait-on au contraire de ce même officier, si, enorgueilli par le succès, il en concluait que tout l’attirail du navire lui est à la vérité indispensable pour les courses ordinaires et le cabotage, mais qu’en cas d’expéditions extraordinaires, difficiles, dangereuses, il s’empresserait lui-même de frapper son vaisseau à coups de hache et de n’y laisser qu’un seul mât ?

Mais laissons le pouvoir constituant à ceux qui, en réalité, veulent autre chose que la charte et la monarchie de juillet. Rien de plus naturel et de plus simple que leur désir de voir le parlement remplacé par une convention. Rien de plus naturel, de plus simple et de plus légitime que la résistance du parti constitutionnel, qui certes n’est pas disposé à se suicider.

Il est entre ces opinions absolues une opinion intermédiaire qui consiste à demander, non qu’on convoque demain je ne sais quelle convention pour faire une loi constitutionnelle de régence, mais que les chambres et la couronne rendent une loi purement de circonstance, une loi ordinaire, et qui n’aura pas la prétention de s’ajouter à la charte ; car, dit-on, celui qui pourrait ajouter quelque chose à la charte pourrait, par le même droit, la modifier, la changer, la déchirer ; le parlement pourrait donc rétablir demain parmi nous le pouvoir absolu ?