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Mais est-ce là notre droit positif ? Dans quelle partie de la charte se trouvent déterminés la nature, la forme, le mode d’action de ce pouvoir constituant, qu’on nous représente comme un pouvoir dont l’existence n’admet ni contestation ni doute ?

On invoque le principe de la souveraineté du peuple. Ce principe est, ce nous semble, étranger à la question, car nul, dans les rangs constitutionnels, n’argue du droit divin ni d’un intérêt particulier. Y eût-il divergence sur la manière d’entendre et d’appliquer le principe de la souveraineté nationale, toujours est-il que les grands pouvoirs de l’état reconnaissent qu’ils relèvent du pays, qu’ils en sont les représentans, les organes, et que c’est pour lui, et pour lui seulement, qu’ils sont tenus de gouverner la chose publique. La question est donc de savoir s’il est vrai que chez nous aussi le pays a deux représentans et deux organes au lieu d’un, c’est-à-dire une représentation pour les lois ordinaires et une représentation pour les lois fondamentales. Encore une fois, qu’on cite un texte, et on convoquera demain le pouvoir constituant, si réellement il a été constitué.

Si au contraire en France, de même qu’en Angleterre, rien de semblable n’existe, qui voudrait aujourd’hui bouleverser arbitrairement notre système politique pour y substituer je ne sais quel système inconnu ?

Quel serait l’auteur de cet immense changement, de cette profonde atteinte à la charte ? La couronne et les chambres ? Ce même parlement qu’on déclare impuissant, qu’on dit être lié à tout jamais, non-seulement par les paroles, mais par le silence de la charte, ce même parlement qui n’aurait pas le droit de combler une lacune, de donner à l’établissement monarchique un développement résultant de la nature même des choses, ce parlement enfanterait demain je ne sais quelle loi organique pour déterminer la nature, la forme, l’action d’un pouvoir qui lui serait supérieur ! Des deux choses l’une, ou le parlement peut exercer lui-même le pouvoir constituant, et il fera la loi de régence ; ou il est complètement étranger aux lois fondamentales, et il n’a pas autorité pour organiser un pouvoir constituant.

Et cependant, sans organisation connue, légale, qu’est ce prétendu pouvoir constituant ? — C’est le pays. — Soit ; mais venons au fait, à l’exécution, à la pratique des choses. Convoquons cette assemblée ou ces assemblées ; qui convoquerons-nous ? Les électeurs seulement ? Les électeurs et les jurés ? Les électeurs, les jurés et les gardes nationaux ? Et pourquoi pas tous les pères de famille ? et pourquoi pas tous les Français majeurs ? Enfin pourquoi exclure les femmes et les mineurs ? Parce qu’ils ne sont pas aptes aux délibérations politiques ? Accordons-le, et on nous accordera peut-être que, parmi les majeurs aussi, il est des hommes ineptes, faibles, indignes, des fous, des imbéciles, des repris de justice, que sais je ? Il faut donc un triage, une organisation ; c’est dire une loi, c’est dire un législateur qui ait le droit de faire cette loi. Mais ce droit, on le dénie aux chambres et à la couronne. Quelle est la conséquence, la seule conséquence, je ne dis pas raisonnable, mais logique,