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CONVENTION ENTRE LA FRANCE ET LA BELGIQUE.

pris alors, et il faut le louer de la conduite qu’il a tenue, car il s’est servi habilement de l’esprit prohibitif lui-même pour combattre l’esprit prohibitif.

Les producteurs français se plaignaient également de la concurrence des fils anglais et de celle des fils belges. Le gouvernement français a annoncé l’intention d’élever indifféremment le droit perçu à la frontière sur toute espèce de fil étranger. L’ordonnance du 26 juin a été en effet rendue dans ce but ; cette ordonnance double environ le droit perçu antérieurement sur les fils et toiles d’origine étrangère. Le nouveau droit est en quelque sorte prohibitif ; il devait fermer à peu près le marché français, s’il était exécuté, tant aux fils belges qu’aux fils anglais. Mais en même temps qu’il publiait l’ordonnance du 26 juin, le gouvernement français offrait à la Belgique de maintenir pour elle l’ancien droit, à condition qu’elle nous accorderait en échange quelques adoucissemens de tarifs sur plusieurs de nos articles.

L’irritation a été grande en Angleterre et en Belgique à l’apparition de l’ordonnance du 26 juin. Toutefois le mal fait aux Anglais était réel, le mal fait aux Belges n’était qu’apparent. Aussi l’opinion publique a-t-elle bientôt pris dans ces deux pays un cours bien différent. Pendant qu’en Angleterre on se répandait en récriminations violentes, en Belgique au contraire on a senti le besoin de prêter l’oreille aux propositions du gouvernement français. Il s’est bien trouvé dans ce dernier pays quelques mauvaises têtes pour parler de représailles, de guerre de tarifs ; mais ces colères isolées se sont presque aussitôt perdues dans la clameur générale du pays en faveur d’un traité de commerce avec la France.

Voici en effet quelle était la situation de la Belgique dans les deux hypothèses :

Si elle repoussait les avances de la France, son industrie des lins était frappée chez nous d’un droit prohibitif, et ce débouché, qui était resté considérable pour elle malgré l’invasion du lin anglais, lui était fermé.

Si au contraire elle acceptait, non-seulement elle conservait en France le débouché actuel pour ses fils et tissus de coton et de lin, mais elle retrouvait ce débouché libre de la concurrence anglaise, c’est-à-dire tel qu’il était il y a quelques années, et pouvant s’accroître de jour en jour.

Dans le premier cas, il y avait beaucoup à perdre ; dans le second, beaucoup à gagner.

Ajoutons à ces considérations que les Flandres, qui étaient surtout intéressées dans la question, sont les provinces que le gouvernement belge a le plus à ménager. C’est là qu’est le foyer de l’orangisme. L’esprit turbulent du pays est d’ailleurs connu depuis long-temps, et plus d’un exemple a prouvé que, dans ces antiques et industrieuses municipalités, de la plainte à l’insurrection il n’y a qu’un pas. Les adresses au roi, les pétitions aux chambres, les députations municipales, se sont multipliées de la part des Flamands, menacés dans leur existence.

Le gouvernement français, pour mettre les Belges dans la nécessité de prendre un parti, avait rendu le nouveau tarif immédiatement exécutoire