et de lin doit-il être d’un intérêt immense au point de vue commercial, puisque la moindre variation dans les conditions de cette industrie porte sur des masses énormes de marchandises et sur des masses non moins énormes tant de producteurs que de consommateurs.
La fabrication des toiles est très ancienne en France. Quand les communications étaient moins faciles qu’aujourd’hui, chaque famille rurale produisait, pour ainsi dire, toute la toile dont elle avait besoin. Le chanvre était ensemencé sur place, les ménagères le filaient, et le tisserand du village le transformait en toile. La quenouille et le fuseau ont de tout temps joué un grand rôle dans nos mœurs champêtres ; c’est en filant que les filles des champs menaient paître les troupeaux, c’est en filant que les mères se rassemblaient le soir autour du foyer. Les fées elles-mêmes, dans les plus vieux contes, filaient éternellement. Aujourd’hui encore, l’industrie des toiles est restée essentiellement domestique et agricole. La plupart des toiles livrées au commerce se préparent à la campagne, dans les chaumières des paysans. Les familles de cultivateurs se livrent au filage en hiver, durant les longues veillées, quand tout autre travail est interdit par la rigueur de la saison. Tantôt c’est le fil qui est acheté par des entrepreneurs de tissage à la mécanique, tantôt c’est la toile elle-même qui, confectionnée sur les lieux par les anciens procédés, est portée au marché par le père de famille et vendue à des maisons en gros qui l’emmagasinent.
La France trouvait autrefois, dans sa seule production, les moyens de subvenir aisément à l’immense consommation qu’elle a toujours faite des tissus de lin et de chanvre ; elle en expédiait même aux autres peuples pour des valeurs importantes. Aujourd’hui son exportation est sensiblement réduite, et au moment où l’ordonnance du 26 juin est intervenue, l’importation étrangère, et en particulier l’importation anglaise, s’accroissaient avec une effrayante rapidité.
D’où était venue cette perturbation ? D’une seule cause, de l’établissement en Angleterre de machines à filer le lin, qui permettait d’obtenir le fil à bien meilleur marché que par la filature à la main.
Les nouveaux procédés ne s’établissent pas en France avec la même rapidité et sur la même échelle qu’en Angleterre. Notre génie national n’est pas tourné aux spéculations mercantiles, comme celui des Anglais. Les capitaux, chez nous, sont plus défians, les habitudes plus invétérées. Nous avons moins la fièvre industrielle. Il faudra bien tôt ou tard abandonner, nous aussi, le filage à la main pour le remplacer par le filage à la mécanique ; mais il en coûte à nos paysans de renoncer à une tradition en quelque sorte patriarcale. Leurs femmes ont besoin de temps pour trouver autre chose à faire, et, en attendant, l’invasion des fils anglais leur enlevait leur gagne-pain de chaque jour.
Déjà une première mesure législative, la loi du 6 mai 1841, avait cherché à renfermer dans de certaines limites la concurrence des fils étrangers sur le marché français. On avait pensé que l’établissement d’un droit d’entrée de