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leur servir de leçon pour l’avenir, au lieu de leur donner une idée exagérée de la puissance de leurs voisins. Quant au Pendjab, c’est un véritable état féodal composé d’une infinité de principautés (djaguîr) presque toujours en guerre les unes avec les autres, mais dont une main ferme et puissante avait fini par former un corps compact en les subjuguant d’abord et dirigeant ensuite leur ambition vers la conquête. La nation des Sicks, qui habite le Pendjab, n’a jamais osé entrer en lutte ouverte avec la compagnie, quoiqu’elle ait eu les occasions les plus favorables, par exemple, pendant les guerres successives que le gouvernement anglo-hindou a soutenues contre les Maharrattes, les Djaths, le Népaul, le Birman, le Radjpoutana, et dernièrement la plus favorable de toutes lors de la position critique des Anglais dans le Caboul. Cette nation aurait non-seulement été capable d’opposer une barrière insurmontable aux envahissemens de l’Angleterre dans le nord de l’Hindoustan, elle aurait encore pu ébranler son pouvoir dans l’Inde centrale en y réveillant quelques sympathies et en donnant l’exemple aux états chez lesquels il restait une étincelle de vie. Randjit-Sing avait des trésors immenses, une armée de quatre-vingt mille hommes qu’il désirait organiser à l’européenne. Adoré de ses soldats, admiré par les nations hindoues, ayant lui-même une volonté de fer, il ne lui manquait que des hommes éclairés pour commencer et achever cette révolution. Deux officiers se présentèrent à sa cour ; ils furent parfaitement accueillis, et on les mit immédiatement à l’œuvre ; mais, au lieu d’appeler d’Europe à leur aide d’autres militaires expérimentés dans toutes les branches de l’art de la guerre (ce que demandait le radja), ces officiers semblèrent prendre à tâche d’écarter tout ce qui aurait pu leur donner de l’ombrage, et n’attirèrent généralement dans le Pendjab que des hommes dont tout le mérite consistait dans une obéissance aveugle, et dont plusieurs étaient déjà flétris dans l’opinion publique. À la recommandation de l’agent politique anglais à Loudiana, le capitaine Wade, ils s’adjoignirent aussi quelques officiers de l’armée britannique[1] qui, dans un cas de guerre avec la compagnie, devaient quitter immédiatement le service des Sicks, tandis qu’en attendant ils pouvaient fournir des renseignemens précieux à leur gouvernement. Tels ont été jusqu’aujourd’hui la plupart des conseillers des princes de l’Hindoustan, tous portant ou prenant le nom de Français. Le général Perron chez les Maharrattes, le général

  1. Les capitaines Steambach, Folks et Faux.