Ô douce voix de la faiblesse,
Comme au cœur le plus dur vous entrez sans effort !
Honte à qui vous entend et lâchement s’endort !
Pour l’enfance pitié ! Pitié pour la vieillesse !
Le fort cache souvent l’épine qui le blesse.
Hélas ! pitié pour le plus fort !
Au seuil d’un cachot d’Italie,
Sur un marbre j’ai vu la Mère-de-Douleurs ;
J’ai vu son beau visage inondé de ses pleurs ;
Elle ouvrait aux passans une main qui supplie,
Et sa bouche disait avec mélancolie :
Ayez pitié de leurs malheurs !
Pour tous ceux que leur sort enlace,
Pitié ! cœurs sans espoir, corps usés de travaux,
Tous pareils en misère à ces pauvres chevaux,
Qui, sous l’équarrisseur, mornes, la tête basse,
Attendent qu’on leur donne enfin le coup de grace,
Signal de l’éternel repos.
Le voilà couché dans la rue,
Jô-uenn, le noble et bon cheval !
À l’entour le peuple se rue,
Un peuple stupide et brutal.
Le mors a déchiré sa bouche,
Le brancard écorché ses reins,
Plaie où vient bourdonner la mouche ;
Les enfans arrachent ses crins.
Las ! Jô-uenn, toi qui sur la lande,
Du point du jour à son déclin,
Tondais les pousses de lavande,
Près de ta mère heureux poulain !