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faire remarquer que, si M. Cousin a fait un autre éloge de Pascal, c’est bien innocemment et à son insu. En effet, dans son premier article relatif aux Pensées, M. Cousin, au lieu de faire un éloge, s’est efforcé de diminuer de toutes les manières la gloire de Pascal. Une paraphrase affaiblirait trop le morceau dont il s’agit, que nous reproduirons textuellement. Les réflexions viendront ensuite.

Après avoir dit que Descartes est incomparablement l’esprit le plus créateur que la France ait produit, après avoir avancé que Descartes a fait la langue française, M. Cousin ajoute :

« Descartes, qui invente et produit sans cesse, tout en écrivant avec soin, laisse encore échapper bien des négligences. Pascal n’a pas cette fécondité inépuisable, mais tout ce qui sort de sa main est exquis et achevé. Osons le dire : l’homme dans Pascal est profondément original, mais l’esprit créateur ne lui avait point été donné ; en mathématiques, il n’a inventé aucun grand calcul auquel son nom demeure attaché ; en physique, il a démontré la pesanteur de l’air, que d’autres avaient découverte ; en philosophie, il n’a fait autre chose que rallumer la vieille guerre de la foi et de la raison, guerre fatale à l’une et à l’autre. Pascal n’est pas de la famille de ces grandes intelligences dont les découvertes et les pensées composent l’histoire intellectuelle du genre humain, il n’a mis dans le monde aucun principe nouveau ; mais tout ce qu’il a touché, il l’a porté d’abord à la suprême perfection. Il a plus de profondeur dans le sentiment que dans la pensée, plus de force que d’étendue. Ce qui le caractérise, c’est la rigueur, cette rigueur inflexible qui aspire en toutes choses à la dernière précision, à la dernière évidence. »

À notre tour, osons le dire, tout est faux ou inexact dans ce jugement. C’est avec la plus vive surprise et le plus profond regret que le public a lu un arrêt si injuste, si dogmatique, rendu contre Pascal par un philosophe auquel, tout le monde le sait, les sciences physiques et mathématiques, les sciences que cultiva Pascal et dans lesquelles il excella, sont totalement étrangères. Les hommes de science se sont émus en voyant attaquer ainsi l’inventeur des théorèmes sur la cycloïde. On cherche vainement un sens à ces phrases qu’un homme du talent de M. Cousin n’aurait jamais dû laisser tomber de sa plume. Comment a-t-on pu dire à l’égard de celui qui a traité les sujets les plus divers, de celui qui à trente-neuf ans avait écrit les Provinciales et les Pensées, qui avait fait les expériences sur le baromètre, trouvé de nouveaux principes d’hydraulique, inventé la machine