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DES DERNIERS TRAVAUX SUR PASCAL.

siècle par la force de son génie. Ce ne sont donc pas les grands géomètres qui se montrent sévères envers Pascal.

Nous n’aurions pas cru nécessaire de nous arrêter particulièrement sur ce point, si, depuis que le travail de M. Demoulin a été lu à l’Académie française, les mêmes idées n’eussent été reproduites devant cette compagnie, dans un travail semi-officiel, par un homme dont la parole et l’autorité ont un grand poids. Nous avouerons qu’en voyant M. Cousin, dans son Rapport à l’Académie française sur la nécessité d’une nouvelle édition des Pensées de Pascal[1], s’emparer des idées de M. Demoulin et les développer, nous avons vivement regretté que l’Académie n’eût pas invité les auteurs d’écrits auxquels elle accordait sa sanction à supprimer des expressions contraires à la vérité et si propres à blesser le sentiment national. Si M. Demoulin avait dû modifier son jugement sur le génie mathématique de Pascal, cet avertissement aurait coupé court à toutes les tentatives de même nature. On sait que M. Cousin, guidé par les recherches précédentes de M. Sainte-Beuve, a publié cette année, dans les cahiers d’avril, de juin et de juillet du Journal des Savans[2], une partie de son rapport, où il prouve que les différens éditeurs des Pensées de Pascal n’ont pas toujours respecté scrupuleusement le texte original. Nous reviendrons plus loin sur ce travail intéressant, qu’avec une courtoisie toute chevaleresque, on a appelé un autre éloge consacré à la mémoire de Pascal, et nous commencerons par

  1. Il ne faudrait pas croire, d’après ce titre, que ce soit là un travail dont l’Académie aurait chargé M. Cousin, et sur lequel elle serait appelée à délibérer comme cela arrive à l’Académie des sciences. Le travail de M. Cousin lui est tout-à-fait personnel. Il a appelé Rapport ce que d’autres auraient nommé simplement Mémoire.
  2. Dans le cahier de juin 1842 du Journal des Savans (p. 349), M. Cousin s’exprime ainsi : « Je trouve la plupart de ces remarques dans le second volume de Port-Royal de M. Sainte-Beuve, qui paraît en ce moment. Je ne les efface pas pour cela, m’honorant de me rencontrer avec un des esprits les plus ingénieux et les plus délicats de notre temps. » — On voit que M. Cousin n’a connu que bien tard le volume de M. Sainte-Beuve, qui, depuis le mois de février de cette année, était entre les mains de tout le monde. Il est à regretter que, dans son Rapport, M. Cousin se soit à plusieurs reprises appliqué à des choses qui étaient déjà connues. Après l’exemple que nous venons de signaler, on pourrait citer aussi ce que M. Cousin dit au sujet des lettres à Mlle de Roannès, dont quelques fragmens avaient été insérés dans les Pensées. M. Cousin se serait épargné un travail pénible, il aurait reçu plus vite le trait de lumière dont il parle, s’il avait remarqué que, dans un des manuscrits qu’il dit avoir eus entre les mains, on a indiqué les passages tirés de ces lettres et imprimés dans les Pensées.