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DES DERNIERS TRAVAUX SUR PASCAL.

plus vigoureuse et plus ferme, si la vie de Pascal y était plus souvent éclairée par ces traits caractéristiques qui peignent l’homme et qui abondaient ici, ce travail aurait certainement écarté toute concurrence. Sans s’astreindre à suivre aucun ordre déterminé, sans avoir peut-être préparé d’avance le plan de son travail, M. Demoulin a réuni, à l’occasion de l’éloge de Pascal, divers morceaux qui ne semblent pas avoir une relation intime entre eux, mais qui renferment de grandes beautés. Cet éloge manque d’ensemble, et l’auteur paraît avoir oublié que la première des qualités et des difficultés dans ce genre de composition consiste dans l’ordre et dans la mesure, et que, s’affranchissant de ces entraves, il rendait sa tâche incomparablement plus facile et son travail moins complet. Il y a une grande inégalité dans le discours de M. Demoulin, et, à la hardiesse de certains jugemens, on sent que c’est là un homme de talent qui a vécu long-temps seul, sans posséder peut-être toute la force nécessaire pour maîtriser cette espèce d’exaltation que la solitude excite presque toujours dans les ames ardentes et vigoureuses. On rencontre dans son travail des choses qui entraînent, d’autres qui choquent : aussi assure-t-on qu’à l’Académie M. Demoulin avait été vivement applaudi par les uns et très sévèrement critiqué par les autres. Tout le monde avait raison, excepté l’auteur, qui aurait dû mieux coordonner son travail, et se renfermer dans le cadre qui lui était tracé. À ce sujet, nous devons regretter encore que les concurrens n’aient pas lu avec plus de soin les œuvres de Pascal, et n’aient pas recherché scrupuleusement toutes les pièces qui pouvaient faire connaître la vie et le caractère de l’auteur des Provinciales. En étudiant ainsi l’homme, on aurait pu mieux expliquer le penseur et le moraliste, car il faut se rappeler sans cesse que Pascal est un grand moraliste, et que, pour apprécier sa morale, il ne suffit pas de lire ses écrits, mais qu’il faut aussi, et avant tout, connaître sa vie et ses actions. À cet égard, les souvenirs et les anecdotes que les deux sœurs et la nièce de Pascal nous ont conservés jettent la plus vive lumière sur le caractère de cet homme qui fut si mobile et qui resta toujours grand. L’heureux usage que M. Sainte-Beuve a fait de ces matériaux pour mieux expliquer les Provinciales devait faire comprendre à ceux qui entraient après lui dans la carrière combien de ressources on se ménageait par l’étude des passions et des sentimens qui avaient dû animer la plume de l’écrivain.

C’est ainsi que, sortant des généralités, les apologistes de Pascal auraient pu élargir leur cadre et répandre dans cet éloge une variété