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DES DERNIERS TRAVAUX SUR PASCAL.

ses croyances si vives, et l’on sait que, lorsque Condorcet se préparait à composer l’éloge de Pascal, Voltaire lui disait : « Mon ami, ne ne vous lassez point de répéter que, depuis l’accident du pont de Neuilly, le cerveau de Pascal était dérangé. » Mot souverainement injuste, car, depuis cet accident, il était sorti de ce cerveau dérangé les Provinciales et les théorèmes sur la roulette. De notre temps, ce qui paraît frapper le plus dans Pascal, c’est son style admirable, c’est l’action qu’il a exercée sur la prose française ; mais plusieurs fois on l’a taxé d’injustice envers les jésuites[1], et l’on a été même jusqu’à vouloir douter de sa profondeur dans les sciences et de la supériorité de son esprit. À la vérité ce ne sont là que des opinions passagères ; néanmoins, en confirmant notre assertion, elles montrent que, comme ses illustres contemporains, Pascal, depuis deux siècles, a été diversement jugé et apprécié.

C’est pour prouver qu’elle était plus constante dans ses opinions, que l’Académie française a mis au concours, il y a deux ans, l’éloge de Pascal. Le prix a été partagé entre MM. Faugères et Demoulin, auteurs de deux travaux estimables, mais de nature différente, et qui avaient à lutter contre un grand nombre de concurrens. Le public, qui voit seulement le résultat final, ne se fait qu’une idée fort imparfaite de ce qu’est un concours à l’Académie française. On a dit si souvent que tout ce qui se fait à cette académie sent le madrigal ou le vaudeville, qu’on a pu croire, dans le monde, à la vérité de cette assertion. Cependant nous pouvons affirmer, après y avoir assisté, que rien n’est plus grave et plus sérieux que le jugement d’un concours à l’Académie, et qu’il serait à désirer que la même gravité, les mêmes formes, se retrouvassent partout ailleurs. Toutes les pièces sont lues successivement devant l’assemblée, qui fait d’abord un triage. Les compositions qui ont été réservées après cette première lecture sont lues de nouveau et écoutées avec attention ; elles donnent lieu à des remarques critiques et à un vote, à la suite duquel les écrits les plus remarquables sont réservés de nouveau, et c’est seulement après une dernière lecture comparative de ces divers écrits que le prix est décerné. C’est à ce moment que la véritable discussion s’établit. Chaque membre vote par ordre, à

  1. Un fait qui prouve mieux que toute autre chose ces variations de l’opinion à l’égard de Pascal, c’est qu’il existe actuellement à Paris des libraires qui passent pour avoir de fréquentes relations avec certaines communautés religieuses, et qui détruisent (en termes de librairie « mettent au papier » ) tous les ouvrages de Pascal et des auteurs de Port-Royal qui leur tombent entre les mains.