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des intérêts individuels en présence des grands intérêts de la France et de la royauté, il serait facile de démontrer qu’une franche et sincère réunion sur le terrain dynastique est en même temps le parti le plus utile pour tout homme politique de quelque valeur. La France ne pardonnerait pas à ceux qui seraient assez mal avisés pour subordonner la question nationale à leurs vues personnelles, à leur ambition ou à leurs rancunes.

Aussi espérons-nous que l’adresse de la chambre des députés, que ce grand acte d’adhésion à la monarchie de juillet ne donnera pas lieu à de misérables débats. Quels que puissent être les griefs respectifs des partis constitutionnels, qui pourrait avoir le courage de les mêler à la grande affaire du jour ? Disons plus : qui voudrait être assez maladroit pour les y mêler ?

Certes si quelqu’un peut désirer secrètement qu’on viole ainsi toutes les convenances, et qu’on oublie la monarchie pour songer aux ministres, ce sont les ministres eux-mêmes. Pourrait-on en effet leur donner un terrain mieux choisi, une position plus forte ? On a demandé s’ils prétendaient s’abriter derrière un cercueil. La question n’est pas bien posée ; la question est de savoir si on leur laissera un abri temporaire, de peu de mois, un abri qu’un affreux malheur aurait, par la force même des choses, procuré à tout ministère, quel qu’il fût, ou si, en voulant, malgré le sentiment public, les attaquer derrière cet abri, les y forcer, on ne leur donnera pas des auxiliaires inattendus, et si on ne leur rendra pas facile une victoire qui, à une autre époque, aurait pu être disputée. Évidemment ce n’est pas le cabinet qui prendra, ce n’est pas lui qui peut prendre l’initiative du combat ; mais attaqué, il a le droit de se défendre, de se défendre vigoureusement, en profitant de tous les moyens qu’on lui aura procurés. Si la trêve est de sa nature temporaire et suspensive, le combat peut amener des résultats décisifs et durables, surtout dans une chambre nouvelle. On se sépare difficilement des hommes avec lesquels on a combattu et vaincu. Le ministère ne redoute pas la tribune ; là est sa force. Celui contre qui les attaques sont particulièrement dirigées, c’est surtout à la tribune, on le sait bien, c’est sous le feu de l’ennemi qu’il grandit et qu’il peut vaincre. Un corps législatif à la façon impériale, une assemblée muette serait le tombeau politique de M. Guizot. Ainsi, encore une fois, la question est de savoir si l’opposition aidera ou non le ministère à consolider sa position dans la chambre.

Mais n’insistons pas sur ces considérations trop secondaires. C’est par des raisons d’un ordre supérieur, par des motifs nobles et dignes, que la trêve sera maintenue entre les diverses portions de la chambre. Il y a long-temps que les chefs de l’opposition constitutionnelle ont senti que tout débat politique devait être ajourné, et que, si les adversaires de la monarchie de juillet osaient offrir le combat, ils devaient rencontrer devant eux comme une phalange serrée et impénétrable tout ce qui se trouve à la chambre entre M. Guizot et M. Barrot. Nous sommes convaincus que les chefs de l’opposition persévèreront dans ces résolutions, et nous en sommes à désirer que les attaques des partis extrêmes leur offrent l’occasion de porter aux conservateurs le secours