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DES IDÉES ET DES SECTES COMMUNISTES.

tage successoral, soit dans les chances aléatoires du commerce et de l’industrie ! C’est là un roulement naturel, subi sans murmure parce qu’il tient à la force des choses et pèse sur tous également. En serait-il de même d’un roulement arbitraire, où la main de l’homme jouerait un rôle, qui prendrait aux uns pour donner aux autres, et pour guérir une douleur ferait ailleurs une blessure ? Ces procédés de dictature économique ne sont d’ailleurs pas nouveaux : ils ressemblent aux avanies turques et aux rançons frappées sur les juifs du moyen-âge. Ils ont pour premier effet de faire disparaître la richesse, et alors commence une déplorable égalité, l’égalité devant la misère.

Aucun temps ne fut plus tourmenté que le nôtre par l’esprit d’aventures. De toutes parts, on est en quête du bonheur, on le poursuit dans mille directions, on le cherche où il n’est pas. On le demande à des combinaisons artificielles et extérieures, tandis que son siége est surtout dans le cœur humain. Des imaginations inquiètes se tournent vers un nouveau mobile civilisateur ; personne ne songe à l’homme, en qui se trouvent les élémens de toute amélioration et de tout progrès. Pendant que les sociétés chimériques pullulent, on laisse la société réelle marcher au hasard, sans but et sans idéal. Le phénomène de ces sectes qui s’engendrent les unes les autres tient à cette situation, et dans ce sens cette histoire méritait d’être racontée. Un coup d’œil jeté sur les égaremens de l’esprit humain a toujours un utile résultat : il raffermit dans la pratique du bon sens en montrant où conduisent les vertiges de la pensée.


Louis Reybaud.