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prince. Grace à ce portrait, il fut appelé à la cour du duc de Savoie pour peindre toute la famille royale. Un autre peintre était à la cour. Le duc de Savoie, par un caprice de grand seigneur ennuyé, voulut engager entre les deux artistes un duel de peinture ; il leur ordonna de peindre en même temps le portrait de son fils, qui poserait pour l’un et pour l’autre. Jean-Baptiste Vanloo laissa son adversaire sur le champ de bataille, donnant des coups de pinceau à tort et à travers en désespoir de cause.

Le prince de Carignan, jaloux de se montrer le premier protecteur du jeune peintre, l’envoya étudier à Rome, et retint sa famille dans son palais. Jean-Baptiste entra à Rome dans l’atelier de Benetto Luti, qui bientôt lui mit le crayon et le pinceau à la main chaque fois qu’il ne savait plus que faire. Jean-Baptiste jouait, comme il disait plus tard, le rôle de Gros-Jean qui en remontre à son curé. Luti, émerveillé, l’embrassait et l’appelait son maître. Cependant le vrai maître était l’Italien, qui, malgré son défaut de verve, avait pour lui la science et la patience. Dans cet atelier, Jean-Baptiste Vanloo fit deux tableaux sur cuivre, une sainte Famille et Jésus-Christ donnant les clés à saint Pierre. Ces deux tableaux passèrent dans une exposition à Rome pour des œuvres de Carle Maratte. Se voyant alors en bon pays et en bonne veine, il appela près de lui sa famille.

Son frère Carle et ses trois fils étaient quatre enfans presque du même âge. Le temps était venu de leur apprendre à lire ; mais Jean-Baptiste, qui ne connaissait pas d’autres livres que les tableaux, leur enseigna à dessiner et à peindre. Ils se trouvèrent bien de cette éducation pittoresque ; ils n’en apprirent que mieux à parler les langues étrangères.

Jean-Baptiste Vanloo commençait à bâtir son nid à Rome, où il croyait finir ses œuvres et ses jours, quand le prince de Carignan l’appela à Paris. Se souvenant qu’il était Français, que son grand-père était mort à Paris, il abandonna Rome sans trop de regrets. Il fit une halte à Turin pour peindre deux plafonds au château de Rivoli. Il arriva à Paris avec sa femme, sa mère, son jeune frère et ses huit enfans. Heureusement pour lui et pour les siens, le prince de Carignan se chargea de leur gîte et de leur cuisine. Ils habitèrent donc l’hôtel Carignan. Jean-Baptiste Vanloo se mit aussitôt à l’œuvre par reconnaissance ; il peignit pour son hôte les grands sujets des Métamorphoses d’Ovide. Le prince prenait un vif plaisir à le voir peindre ; il lui avait donné pour atelier son plus beau salon, où venaient en foule les curieux en beaux-arts et les oisifs grands sei-