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DES IDÉES ET DES SECTES COMMUNISTES.

moins douteux, qu’il en résulterait encore un dommage pour l’ensemble des intérêts nationaux. Partout où l’état s’attribue une action exclusive, il n’y a plus de place pour l’activité particulière : vis-à-vis de lui pas de concurrence possible. Quand peu à peu l’esprit d’entreprises s’est éteint chez les individus, chassés de position en position, il ne reste plus que le génie officiel pour aviser à tout et pour tout faire. On tombe alors dans un monopole universel qui voue les nations à une sorte d’indolence contemplative.

On le voit, par aucun côté, le communisme n’a de valeur, même superficielle ; il est sans consistance, et par conséquent sans danger. C’est donc à tort que l’on a pris dernièrement l’alarme : le communisme ne méritait pas cet honneur. La propriété, cela a été dit souvent, ne court aucun risque en France, où elle s’appuie sur dix millions de cotes foncières. Plus elle s’avance dans les temps, plus elle se ménage de soutiens : la loi civile assure son règne, et les habitudes lui garantissent une longue sécurité. Même aux époques les plus troublées de notre histoire, elle a maintenu son drapeau au-dessus des passions des partis. Elle s’est montrée forte à l’état de privilége ; qu’on juge de ce qu’elle doit être sous l’empire du droit commun ! Aujourd’hui elle a autour d’elle, comme rempart, la famille innombrable des petits propriétaires. On peut s’en remettre à cette milice dévouée du soin de contenir les spoliateurs ; il en sera fait bonne justice. Volontiers, depuis quelques années, on s’afflige du fractionnement du sol et de son exploitation morcelée. Il y a pourtant dans ce fait une garantie qu’il serait imprudent de méconnaître. L’une des forces essentielles de la propriété est précisément dans cette division excessive : le grand nombre des détenteurs protège le sol contre les partages violens et les pièges de l’empirisme. En retour de cet avantage capital ne convient-il pas de se résigner à quelques inconvéniens inévitables ?

On aurait d’ailleurs tort de croire que les idées de communauté, de vie commune, exercent une action profonde sur ceux dont elles semblent flatter les passions et servir les intérêts. Il n’en est rien : divers motifs s’y opposent. En dehors de ce respect du droit d’autrui que tout cœur sincère, tout esprit bien fait, portent en eux, il s’opère un travail de réflexion, qui, même superficiel, condamne la communauté. On ne comprend pas qu’elle puisse fonctionner sans le plus odieux despotisme, sans l’abdication formelle de l’individu. Pour peu que l’on pénètre dans ce régime, c’est le néant que l’on découvre : ce vide épouvante les plus téméraires. On sait comment l’homme