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AFFAIRE DE LA CRÉOLE.

main forte sur son territoire à elle, Angleterre. Y a-t-il là une tentative d’intervention ? Oui, il y en a une singulière, frappante, mais de la part des États-Unis, qui, sur le territoire anglais, voudraient faire prévaloir leur droit sur le droit anglais, qui voudraient que leurs lois fussent mises à exécution en Angleterre contrairement aux lois de l’Angleterre, qui prétendent arracher à la protection des lois anglaises des hommes réfugiés en Angleterre.

Que nous importent, je vous le demande, les faits que M. Wheaton se plaît à citer ? Quel rapport ont-ils avec la question ? Aucun.

Parce que l’Angleterre, en d’autres temps, a suivi d’autres règles et professé d’autres maximes, elle n’aurait pas le droit d’appliquer aujourd’hui ses lois nouvelles et de se conformer à de meilleurs principes !

Parce que, dans les pays à esclavage, on n’admet pas que les maîtres perdent la propriété de leurs esclaves par cela seul qu’ils les transportent de la colonie dans la métropole, on en conclut qu’un état étranger doit également tenir pour sacrée la propriété d’un colon étranger, au point de prêter main-forte à ce colon et de lui livrer l’esclave évadé !

Parce que des juges anglais ont reconnu que des croiseurs anglais n’avaient pas le droit de capturer sur mer des nègres amenés en esclavage par des traitans appartenant à des pays qui autorisaient la traite des noirs, il s’ensuivrait que l’Angleterre devrait de ses propres mains forger de nouveau les fers des esclaves qui se sont affranchis en touchant de leur propre mouvement le sol anglais !

Tout cela, monsieur, ne supporte pas l’examen, et j’abuserais de votre patience en y insistant davantage.

Que vous dirai-je de la troisième question que M. Wheaton a posée et de la solution qu’il en donne ? Ce sont les mêmes erreurs, reproduites à peu près dans la même forme.

Il nous dit que, d’après la jurisprudence générale, une loi prohibant l’introduction de certaines marchandises ne peut être appliquée à des marchandises qui arrivent par suite d’une force majeure indépendante de la volonté du propriétaire. Faut-il lui répondre que, pour les Anglais qui ne sont pas soumis à la loi américaine, il ne s’agit pas ici de marchandises, mais d’hommes, d’hommes qui ont recouvré la liberté qu’on leur avait ravie, et dont les droits sont aussi sacrés que les droits d’un Américain, quel qu’il fût ? L’Angleterre a perdu ses colonies américaines, et nous remercions la Providence d’avoir fait surgir dans le Nouveau-Monde un grand état, un état libre qui con-