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AFFAIRE DE LA CRÉOLE.

les nations la mesure, le type des modifications pratiques du droit naturel ? Que le monde entier, que l’Angleterre en particulier devra regarder comme un crime toutes les actions qui paraissent criminelles aux planteurs de la Virginie ou de la Louisiane ? S’il est permis aux républicains transatlantiques de subordonner le droit naturel au droit civil au point de légitimer l’esclavage et de frapper de peines atroces l’esclave qui brise ses fers, ne sera-t-il pas loisible aux Anglais de proclamer tout au contraire qu’à leurs yeux c’est le possesseur d’esclaves qui est coupable de lèse-humanité, tandis que l’homme qui recouvre la liberté qu’on lui a injustement ravie ne fait qu’exercer un droit qu’aucune puissance humaine ne peut lui enlever ?

L’esclavage étant un état légal, il est impossible de supposer que les esclaves aient le droit de se libérer par la violence. — J’accorderai, si l’on veut, que cela est impossible à supposer ; mais impossible pour qui ? Pour ceux que la loi américaine oblige, pour ceux qui sont tenus de se conformer, quoi qu’ils en pensent d’ailleurs, aux déclarations souveraines de l’Amérique. Certes si un étranger quelconque viole, sur le territoire américain, les lois de police relatives à l’esclavage, les magistrats américains auront le droit de le punir, comme l’Autriche a le droit d’envoyer au carcere duro tout homme qui, sur le territoire autrichien, pourrait rêver les libertés publiques ; mais partout où la juridiction de l’Amérique ne s’étend pas, il est parfaitement possible de tenir pour vraies et de prendre pour règle de conduite des propositions diamétralement opposées à celles qui régissent l’Amérique en fait d’esclavage.

Encore moins, ajoute M. Wheaton, peut-on supposer que la loi internationale permette aux autorités d’un état étranger d’intervenir pour protéger les criminels qui sont arrivés dans son territoire par une conséquence directe du crime commis par eux.

Je ne veux plus revenir sur ces mots crime, criminels, mots que le publiciste américain se plaît à employer, toujours en oubliant que les Anglais ne sont pas tenus de regarder comme légitimes, comme avouées par la raison et conformes au droit, les lois positives, les lois municipales, pour parler comme M. Wheaton, des États-Unis sur l’esclavage, et que ces lois n’ont pour eux, chez eux, aucune force légale.

Je ne veux pas non plus épiloguer sur cette expression de conséquence directe du crime. On pourrait donc protéger les esclaves révoltés, s’ils étaient arrivés sur le territoire anglais par une conséquence indirecte de leur insurrection ? Mais qu’entend M. Wheaton