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REVUE DES DEUX MONDES.

À l’égard des esclaves retenus prisonniers, le gouverneur demanda des ordres au gouvernement supérieur en Angleterre. »

Le gouvernement anglais a pris sur la question l’avis des conseils judiciaires de la couronne ; ils ont émis l’opinion que le gouvernement n’avait pas le droit de faire juger les individus dont il s’agit, et encore moins l’obligation de les livrer, sur la demande du gouvernement américain, aux tribunaux des États-Unis. En conséquence, le ministre secrétaire d’état des colonies avait donné l’ordre de les mettre en liberté.

Lord Brougham, lord Denmann, lord Campbell, ci-devant chancelier d’Irlande, et le chancelier d’Angleterre ont tous partagé hautement l’opinion des jurisconsultes de la couronne.

Peut-il sérieusement y avoir deux opinions ? Peut-il y avoir l’ombre d’un doute pour quiconque s’élève au-dessus des nuages de la politique du jour ?

M. Wheaton pose trois questions : L’extradition est-elle due d’après les principes généraux du droit international ? En tous cas, ne doit-on pas du moins l’extradition de l’esclave, même lorsqu’il s’est réfugié dans un pays où l’esclavage n’est pas admis ? Enfin, quoi qu’il en soit des principes généraux, les circonstances particulières qui ont accompagné l’arrivée de la Créole dans le port de Nassau, ne sont-elles pas de nature à commander une exception aux règles générales ?

Sur la première question, M. Wheaton veut bien reconnaître qu’en effet l’extradition ne peut être exigée. Il avoue qu’il faudrait pour cela une convention, un traité. L’obligation de livrer, dit-il avec Puffendorf, Voet, Martens, Kluber, n’est qu’une obligation imparfaite qui a besoin d’être fortifiée et réglée par des conventions spéciales.

J’irai plus loin et je dirai que tout état qui se respecte et qui a soin de sa dignité et de sa puissance, ne consent à des conventions de cette nature qu’à trois conditions essentielles.

La première, c’est que les faits pour lesquels l’extradition est accordée soient des crimes graves et de droit commun, des crimes reconnus tels en tout temps, en tout pays, des attentats universellement réprouvés par la conscience humaine. Tels sont le parricide, l’assassinat, le vol avec violence. Quel est le gouvernement ayant quelque soin de la moralité de ses actions, qui voudrait livrer à une justice étrangère des hommes accusés de faits qui seraient à ses yeux exempts de tout reproche ? Un gouvernement protestant livrerait-il au gouvernement pontifical des hommes prévenus d’hérésie ? Con-