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AFFAIRE DE LA CRÉOLE.

sent accueilli sans observations l’écrit de M. Wheaton sur l’affaire de la Créole ?

N’oublions pas, monsieur, que cette affaire ne peut être confondue avec la question du droit de visite. S’il existe un certain rapport entre les deux questions, ce rapport, quel est-il ? Les Américains voudraient, par leurs réclamations, intervenir dans l’administration et la police des possessions anglaises, comme les Anglais auraient voulu, par le droit de visite, intervenir dans la police et la conduite des navires américains. Voilà le rapport, la ressemblance. La différence, la voici : les Anglais voudraient intervenir pour réprimer un commerce infâme et délivrer des esclaves ; les Américains, pour ressaisir des esclaves et les livrer au bourreau. Les Américains ont toute raison de repousser hautement les prétentions de l’Angleterre et de soutenir que le droit de visite ne peut être que le résultat d’une convention, convention que chaque état est parfaitement libre d’accepter ou de repousser. Les Anglais, de leur côté, ont-ils tort de soutenir que ce que les Américains leur demandent n’est rien moins qu’une extradition, et que tout état est parfaitement libre, lorsqu’un traité ne l’oblige pas, de refuser une demande de cette nature ?

Oui, monsieur, c’est là toute la question. Ce que les États-Unis demandent à l’Angleterre n’est autre chose qu’une extradition. Ce mot dit tout. Avais-je tort de m’étonner et des efforts de M. Wheaton pour justifier semblable demande, et de l’accueil que son écrit a trouvé dans un recueil estimable ?

La question est d’une simplicité qui embarrasse. Les faits ne laissent pas de prise au doute, et il a fallu un patriotisme bien ingénieux pour trouver des argumens quelconques en faveur des États-Unis.

Prenons les faits tels que M. Wheaton nous les raconte :

« Le navire américain la Créole, parti du port de Richemond, état de Virginie, se dirigeait vers la Nouvelle-Orléans ; il avait à bord, comme passager, un planteur américain, qui allait s’établir dans l’état de la Louisiane, accompagné de ses esclaves, au nombre de cent trente-cinq. Dans le détroit qui sépare la péninsule de la Floride des îles Bahames, les esclaves se révoltèrent, assassinèrent leur maître, mirent le capitaine aux fers et blessèrent plusieurs des officiers de l’équipage. Ils prirent possession du navire, qu’ils conduisirent dans le port de Nassau. Le gouverneur anglais fit arrêter et mettre en prison dix-neuf des esclaves qui lui étaient signalés comme ayant pris part à la révolte et au crime d’assassinat. Les autres esclaves, au nombre de cent dix-sept, furent mis en liberté.