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et s’imaginent qu’elle se perpétuera quand ils l’auront aboli. C’est une grave erreur. La richesse est dans le travail, elle n’est que là. Ce n’est pas un bien fixe, à jamais acquis pour un peuple ; c’est un bien mobile, variable, proportionné à ses efforts. Que toute activité demeure suspendue en France pendant une année seulement, et au bout de ce laps de temps la plus grande partie de la fortune nationale aura disparu, la consommation dévorant des produits qui ne seraient pas remplacés. Sans supposer une interruption aussi complète, toute diminution d’activité provoquera une diminution correspondante de richesse. La clé du problème économique est donc dans le régime qui assure au travail un stimulant énergique et direct. C’est ce que la propriété individuelle réalise, et ce que la communauté ne réalisera jamais. On connaît la fable de la poule aux œufs d’or ; c’est l’histoire de la propriété. Elle n’est féconde que parce qu’on ne porte pas sur elle une main impie. Ceux qui l’immoleraient pour lui dérober un trésor mystérieux n’y trouveraient que la misère. À quoi tient la puissance du travail ? À la faculté de disposer pleinement et librement de ses fruits. De là cette vigilance qui n’a pas de trêve, cette ardeur qui ne connaît pas de repos ; de là cet aiguillon de la concurrence, précieux instrument en butte aujourd’hui à des déclamations fort peu sensées. Que l’on substitue le mobile indirect au mobile direct, qu’on enlève les fruits du travail au travailleur pour les attribuer à la communauté, à l’instant même le mobile change. On aura voulu une mer sans tempêtes, on aura une mer sans brises, avec la détresse et la faim à l’horizon.

Une autre prétention non moins singulière, au point de vue économique, et que le communisme place en première ligne, c’est celle d’investir le gouvernement de toutes les fonctions jusqu’ici réservées aux individus. Dans ce système, c’est l’état qui fait tout, qui pourvoit à tous les besoins, règle toutes les jouissances. L’état tient, qu’on nous permette cette expression, une table d’hôte immense, il traite l’administration publique comme une sorte de société en commandite. Ce sont là des folies qui ne soutiennent pas l’examen : malheureusement, dans bien des cas, on y cède, on obéit. Ainsi la tendance actuellement très prononcée de concentrer le plus d’affaires possible entre les mains du gouvernement, de lui attribuer les rôles d’entrepreneurs de chemins de fer, d’administrateur des canaux, de directeur des transports à vapeur, est une concession faite à cette soif d’accaparement, qui en beaucoup de choses, nous prépare des mécomptes infinis. Ces services seraient bien faits, et c’est là un point au