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MŒURS ÉLECTORALES DE LA GRANDE-BRETAGNE.

la seule ressource de ce qu’on appelle aujourd’hui les capacités. Un des membres les plus distingués de la chambre des communes, M. Milnes, écrivait dernièrement : « Les destinées de notre pays dépendent beaucoup plus des personnes qui l’administrent et le guident, que d’aucune mesure particulière de progrès et de réforme… Elles reposent surtout sur le caractère de ceux qui composent la majorité dans la chambre des communes. Pour des hommes d’un caractère plus réfléchi qu’énergique, une élection contestée est déjà une entreprise très pénible ; déjà la chambre des communes est devenue moins distinguée, moins lettrée, moins propre à une discussion grave, moins attentive pour l’âge et l’expérience, plus passionnée pour les luttes personnelles, plus tolérante pour la trivialité et la grossièreté. Déjà le philosophe radical se retire avec joie de cette arène pour aller retrouver ses livres ; déjà le gentilhomme conservateur retourne à ses occupations rurales, et l’homme de lettres à la contemplation plus paisible de l’art et de la nature ; déjà la science étroite et bornée, la volonté brutale, l’ambition grossière, envahissent la chambre et la mènent à ce terrorisme démocratique qui est la plaie des nations libres. Le penseur paisible et laborieux, qui, sans aucun calcul d’ambition, est prêt à consacrer à son pays l’expérience de ses longs travaux, ne quittera plus son foyer et ses livres pour s’exposer à de pareilles épreuves… Et quand vous aurez livré le parlement à de telles passions que les plus braves et les plus forts oseront seuls les affronter, vous aurez séparé les élémens d’action et de volonté des élémens de propriété et de réflexion, et d’un tel divorce il ne peut sortir que du mal. »

Sans doute, si la suppression des bourgs pourris avait mis un terme aux abus qui dégradaient en Angleterre la représentation nationale, des considérations philosophiques, quelque spécieuses qu’elles fussent, ne pourraient citer à cet acte de justice sa légitime valeur. Malheureusement, il est devenu aujourd’hui incontestable que le bill de réforme, au lieu d’éteindre la corruption électorale, n’a fait, sous certains rapports, que lui donner une nouvelle impulsion, et nous aurons l’occasion de donner des preuves nombreuses de l’exactitude de cette assertion.

Une des dispositions les plus efficaces du bill de réforme a été celle qui a multiplié le nombre des bureaux où l’on reçoit les votes, et qui a réduit le nombre des jours pendant lesquels les électeurs avaient la faculté de voter. Avant la réforme, il n’y avait pour chaque collége qu’un seul bureau d’inscription, qui devenait ainsi une espèce de