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TENDANCES NOUVELLES DE LA CHIMIE.

du poumon et de la peau ; le second est entraîné par nos excrétions et rendu à ce réservoir où les végétaux ont sans cesse à puiser. Ici se présente une de ces combinaisons que le physiologiste rencontre à chaque pas dans ses recherches, une de ces métamorphoses tout aussi merveilleuses que les transmutations de l’alchimie. L’ammoniaque, substance extrêmement caustique, n’aurait pu se trouver en contact avec nos organes sans y causer de graves désordres. La nature y a pourvu. Mise en rapport avec l’acide carbonique dans l’intérieur du corps, elle se combine avec lui et passe à l’état de carbonate. Celui-ci, privé de deux molécules d’eau, est amené à l’état de corps neutre et devient de l’urée, qui peut traverser notre organisme, y séjourner même, sans entraîner le moindre accident. À côté de cette substance se forme en même temps une petite quantité de matière muqueuse ou albumineuse destinée à agir comme ferment. Lorsque l’organisme se débarrasse de ces produits désormais inutiles, une simple fermentation rend à l’urée ses deux molécules d’eau et la ramène à l’état de carbonate d’ammoniaque que les végétaux ne tarderont pas à absorber et à redécomposer pour s’en nourrir.

Toute matière organique vient donc de l’atmosphère et retourne à l’atmosphère. Pris à ce point de vue, les végétaux, les animaux, ne sont que de l’air condensé. Le règne végétal, immense appareil de production, emprunte à l’air qui nous environne des matériaux qu’il façonne pour lui d’abord, puis pour le règne animal qui les consomme et les rend à la masse commune. Les composés inorganiques qui flottent autour de nous sous la forme de gaz, qui pénètrent sous la terre dissous par les eaux pluviales, sont réduits par les végétaux et amenés à l’état de principes immédiats qui passent sans altération aux animaux. Ceux-ci les détruisent, les brûlent, et reproduisent les élémens premiers qu’ils versent à la masse commune. « Ainsi, pour employer les paroles de M. Dumas, tout ce que l’air donne aux plantes, les plantes le cèdent aux animaux, les animaux le rendent à l’air ; cercle éternel dans lequel la vie s’agite et se manifeste, mais où la matière ne fait que changer de place. »

Le règne animal, le règne végétal, nous apparaissent dès-lors comme deux puissances antagonistes dont l’une tend sans cesse à détruire, l’autre à recomposer ; la première à vicier, la seconde à purifier l’air nécessaire à tous les êtres vivans. Pour apprécier le balancement de ces deux forces, pour voir jusqu’à quel point il pourrait être raisonnable de craindre que la prédominance sans cesse croissante du règne animal sur le règne végétal ne vienne à troubler un jour les harmo-